L’influence
Pour Albert Schweitzer ce lieu emblématique est l’église de Gunsbach. À partir de l’âge de six mois, Albert Schweitzer habite dans ce village de la vallée de Munster.
Son père pasteur, alors en poste à Kaysersberg, vient d’y être muté. Nous sommes à l’été 1875. L’église du village, avait déjà à l’époque et l’a toujours aujourd’hui, une particularité. Il l’a souligné plusieurs fois dans ses discours : « En Alsace, des églises servent aux deux cultes ». Protestant et catholique… C’est le cas de l’église de Gunsbach. Cette situation a doublement influencé Albert Schweitzer. D’une part pour l’accueil de la différence. D’autre part pour l’éveil à un esprit réformateur dans l’approche du récit biblique. Quitte à déranger. Écoutons-le encore : « Dans mon enfance, je trouvais quelque chose de beau dans le fait que catholiques et protestants célèbrent leurs cultes dans la même église ».
Cette église de Gunsbach a été déterminante pour Albert Schweitzer à un second niveau. Elle l’a influencé, et plus que cela, guidé vers la passion pour l’orgue. Alors qu’Albert Schweitzer a 9 ans, Monsieur Iltis, son instituteur et organiste, note qu’il est capable de le remplacer à l’orgue de l’église de Gunsbach pendant le culte. Plus tard, entre la seizième et la dix-huitième année, Schweitzer mène ce qu’il appelle un « combat » pour savoir si son métier futur sera la musique ou la théologie. Il écrit : « Mon désir me portait à devenir organiste dans une belle église. Mais j’avais le sentiment qu’il m’appartenait d’annoncer la Parole de Dieu ».
Finalement, après le bac, il décide sans vraiment décider. Ce sera la théologie et la philosophie, tout en complétant sa formation musicale. Et ce sont bien les près de 500 concerts qu’il a donnés tout au long de sa vie, y compris à 80 ans passés, qui lui ont permis de financer son hôpital de Lambaréné au Gabon.
L’église de Gunsbach, avec l’accueil des deux confessions catholiques et protestantes et son orgue Kern, aura donc mis Albert Schweitzer sur le chemin de la tolérance et de la beauté. Et lui, pasteur, théologien, musicien, a ensuite influencé de façon singulière, insoupçonnée et quasi mystique son environnement. Jusque dans un passé récent, la vallée de Munster a été le territoire alsacien à fournir le plus grand nombre de pasteurs à l’église protestante d’Alsace. Et aujourd’hui la vallée de Munster est la terre de retraite privilégiée pour les pasteurs ou les professeurs de théologie de l’Université de Strasbourg. Ils sont des dizaines retirés sur ces espaces préservés, exigeants et parfois austères. Et tous, comme de bien entendu, se réfèrent sans cesse à Albert Schweitzer.
Francis Guthleben vient de publier Albert Schweitzer intime, aux éditions AISL. L’ouvrage regroupe 100 témoignages sur le prix Nobel de la Paix recueillis dans le monde entier.
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Chronique rédigée par Francis Guthleben
