lundi 8 juillet 2024
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Christel Kern – L’âme de Maurane à Wintzenheim

Comme il existe des âmes sœurs, les voix sœurs finissent toujours par se trouver. La chanteuse de 48 ans qui vit à Muttersholtz près de Sélestat n’a jamais rencontré Maurane en vrai, mais leurs âmes se sont croisées, peut-être même précisément le 7 mai 2018, le jour de la disparition de la chanteuse, à Bruxelles où Christel enregistrait un album. Ce n’est pas l’unique hasard ni le seul point commun entre les deux artistes. Il y a aussi leur voix puissante. Maurane 2.0 est un album et un spectacle gorgés d’émotions qui ont changé la vie de Christel, une histoire de transmission. Venez découvrir ce « nuage d’amour » joué une trentaine de fois déjà entre la France et la Belgique, et avant Paris en 2025, avec le trio Mau d’Amour, Christel Kern qui fête ses 30 ans de carrière, Laura Strubel (piano et chœurs) et Caroline Stenger (violon électrique et chœurs). Rendez-vous les 12 et 13 juin, salle Arthus à Wintzenheim. www.ville-wintzenheim.fr

L’idée d’un hommage à la chanteuse Maurane date du temps où elle était encore vivante, non ?

Oui. J’ai croisé le chemin de celui qui est devenu un ami et mon coach vocal, Richard Cross (le fameux prof de La Star Academy sur TF1), il était également le docteur de l’âme de Maurane. À l’époque, je jouais souvent à Paris, et le studio de Richard était juste à côté de la gare de l’Est. C’était pratique. Parfois, je faisais juste un aller-retour en train pour une heure de chant avec lui. Il me disait souvent que je ne lui ressemblais pas, que je n’avais pas la même voix, mais que je lui faisais penser à Maurane, il me disait que j’avais quelque chose en moi de Maurane.

Et le 7 mai 2018, le jour de la mort de la chanteuse belge, vous êtes en train de mixer votre 3ème album (À fleur d’âme) dans le studio ICP à Bruxelles.

Oui, Maurane, qui habitait à 200 mètres, enregistrait au même endroit, elle était même la marraine de ce studio d’enregistrement, le plus grand d’Europe. Lorsque j’arrive dans ce manoir du son, au bar collectif, je vois de la tristesse sur tous les visages et John, le directeur du studio, m’annonce que Maurane est décédé dans la nuit. J’en ai encore la chair de poule aujourd’hui. C’était surréaliste d’être là ce jour-là. J’ai pris ça pour un message, ce n’était pas possible autrement, c’était très très fort. Elle enregistrait un hommage à Jacques Brel qui est aussi mon chanteur préféré.
En juillet 2018, j’ai chanté Place Kléber à Strasbourg pour présenter mon album et j’ai demandé à Richard Cross de venir faire un titre avec moi, il ne faisait plus de scène, mais il est venu, et nous avons chanté le tube de Maurane Sur un prélude de Bach. En sortant de Seine, il m’a pris la main et m’a dit : Chrystel, il faut que tu le fasses cet hommage.

En 2020, vous avez commencé à travailler sur ce projet !

Oui. En fait, au moment du Covid, j’ai eu du temps pour avancer sur le projet. J’ai réécouté la discographie entière de Maurane, plus de 300 titres et je me suis rendu compte que nous avions énormément de points communs dans notre manière de vivre la musique, de vivre avec les autres. Il fallait que je fasse quelque chose de différent, pas seulement un hommage, comme un message collectif, quelque chose de très humain. J’ai estimé qu’il fallait en parler aux proches de Maurane, et il n’y a pas eu de problème. On m’a dit que sa fille avait trouvé le projet très bien, qu’elle avait apprécié le fait que ce ne soit pas une imitation. Au départ, j’ai choisi 30 titres pour travailler sur le répertoire et j’ai proposé à Laura Strubel de m’accompagner au piano. Nous avons eu la chance que Caroline Stenger, une Alsacienne qui vit à Paris et qui tourne dans le monde entier, accepte de nous rejoindre. On ne se connaissait pas beaucoup, mais je voulais travailler avec elles. En janvier 2021, on s’est retrouvé chez moi, on a fait les premières prises, et c’était la magie totale. Très vite nous avons trouvé une harmonie parfaite, un truc de fou, on était toutes les trois à fleur de cœur du début à la fin de la répétition, on n’y croyait pas. Le projet est né comme ça, et nous ne sommes toujours pas descendues de ce nuage d’amour.

Vous avez enregistré l’album Maurane 2.0 à Bruxelles ?

Oui, au studio ICP. On a même eu la chance d’avoir le pianiste, le guitariste et le percussionniste de Maurane, et son ingénieur du son, qui a mixé et masterisé notre album. J’ai même chanté dans le micro qu’elle utilisait. Nous avons joué le spectacle une trentaine de fois en Belgique ou en France, à chaque fois on ne comprend pas, c’est pas possible, c’est dingue, ce projet est tellement unique. Au mois de janvier, nous serons à l’affiche à Paris.

Mau d’amour pour voix sœurs sur scène, les 12 et 13 juin. / ©Documents remis
Ce qui est fou dans ce spectacle, c’est que, dès les premières secondes, on ressent une émotion incroyable. Comment expliquez-vous cette magie ?

Oh merci. C’est vrai que les gens viennent m’en parler… Je ne sais pas si je peux l’expliquer, je me dis que j’ai une bonne étoile, que j’ai la chance d’être sur le même registre vocal que Maurane, et d’avoir quelques similitudes inexplicables avec elle. Encore une fois, je n’imite pas Maurane, je n’ai jamais cherché à le faire. Depuis l’origine de ce projet, je n’ai jamais réécouté l’une de ses chansons, même quand elle passe à la radio, je coupe le poste, pour éviter de me dire, ah tiens elle le fait comme ça je pourrais le faire aussi. Maintenant, même si je le porte, je suis loin de son répertoire. Disons que je lui ressemble sans le faire exprès, et que c’est la vie qui m’a fait ce cadeau.

Sur quel titre l’émotion est la plus forte ?

Sur Elle oublie. C’est un hommage à l’actrice Annie Girardot qui avait la maladie d’Alzheimer. Lorsque j’ai chanté cette chanson à Haguenau, il y a quelques semaines, je suis parti complètement ailleurs, à la fin j’ai regardé Laura, elle était en larmes, et du coup moi aussi, le public n’a pas applaudi, c’était le silence avant vingt ou trente secondes, une émotion extrême. Normalement, je contrôle, parce que je ne veux pas prendre les gens en otage, je n’aime pas ça, ce répertoire mérite une tenue, une dignité, mais là, on était submergés. Il y a aussi Trop forte, une émotion de corps. Maurane parlait du drame de sa vie, le surpoids, elle raconte que malgré ça, elle avançait et elle vivait de son métier. Cette chanson me parle particulièrement parce que j’ai été victime de harcèlement scolaire, toute mon enfance, jusqu’à mes 17, 18 ans, j’ai été maltraitée par mes camarades et les gens qui m’entouraient.

Vous n’avez jamais rencontré Maurane, c’est un regret ?

On me pose souvent la question, mais non en fait. Parce que je l’ai rencontrée finalement. J’ai rencontré son âme.

Votre vie a changé avec sa disparition ?

J’ai compris. J’ai compris mon chemin de vie. Quand on est dans l’honnêteté et la sincérité, ça fonctionne. Et je suis convaincu que ce projet ira très loin. Ce projet a changé ma vie artistique, mais aussi ma vie de femme, je suis désormais plus apaisée. Mes relations avec les autres étaient constamment conflictuelles, je suis une enfant zèbre, je ne comprenais pas comment les gens fonctionnaient, et souvent ils ne me comprenaient pas non plus, ce projet m’a permis de m’accepter comme je suis, et d’accepter le regard des autres.

Heureuse de venir jouer dans le Haut-Rhin ?

Oui, nous sommes très heureuses. Au départ, il n’était prévu qu’une date, mais l’adjoint à la culture de Wintzenheim est venu voir le spectacle et il a trouvé ça tellement magnifique qu’il nous en a proposé une deuxième. Avec les filles, on porte le répertoire de Maurane en nous, avec nos personnalités.

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