NOUS AVONS EN EFFET PAR CHEZ NOUS DE BIEN JOLIS SYMBOLES
Le premier et le plus évident de tous, un coeur, est omniprésent dans les décorations traditionnelles, suivi de près par l’hirondelle, signe de fidélité. On dit même parfois que notre emblématique bretzel renverrait au couple grâce à sa forme « nouée » !
Pareillement évocateurs, quelques jolis lieux méritent le détour. À Waldersbach, par exemple : chacun des tilleuls qui bordent l’allée des fiancés reliant la commune au col de Perheux a été planté par des amoureux. Un peu plus au sud, un adorable petit duo de pierre est passé à la postérité sous le nom du sourire de Rouffach. On le trouve dans l’Église Notre-Dame de l’Assomption, vers le choeur, là où se trouve la porte qui menait à l’ancienne sacristie, devenue aujourd’hui une chapelle.
BON, D’ACCORD, LE PLUS ALSACIEN DE TOUS LES MARIAGES N’A RIEN DE VÉNITIEN.
C’est sous le signe de la bonne chère et des costumes folkloriques que, chaque année, on célèbre les noces de l’ami Fritz et Suzel le 15 août à Marlenheim. Il serait cependant un peu simpliste de considérer l’idylle du roman d’Erckmann-Chatrian comme l’archétype de l’amour made in Alsace. Nous écarterons aussi (pour une fois) les contes et légendes : ils racontent surtout des amours contrariées, tel celui d’une infortunée demoiselle d’Andlau et de son meunier. Tout cela s’achève trop souvent de façon tragique, en mode Roméo et Juliette, avec le trépas plus ou moins simultané des principaux intéressés. Si leurs âmes sont supposées s’unir pour l’éternité, des retrouvailles post-mortem doivent quand même être plus sympas après une passion terrestre dégustée dans les règles de l’art.
Alors, que retenir pour peaufiner notre propos ? Les arguments ne manquent pas.
CERTAINS N’HÉSITÈRENT PAS À CRIER LEUR AMOUR À LA FACE DU MONDE
Ainsi, le bon docteur Staub, très épris de sa Caroline. Quand il découvrit, par un beau jour de 1888, une nouvelle source à Ribeauvillé, il baptisa illico celle-ci du nom de Carola. Espérons que la dame sut recueillir avec bienveillance – sinon enthousiasme – ce geste follement romantique.
D’AUTRES FURENT PLUTÔT ANTICONFORMISTES
L’un des plus intéressants binômes en la matière ? Celui formé par Hélène Bresslau et le futur Prix Nobel Albert Schweitzer ! Ils conclurent en effet, dans un premier temps et au bord du Rhin, un pacte solennel d’amitié éternelle… avant de se marier quelques années plus tard. S’ils eurent une vision assez peu traditionnelle de la vie à deux, ils demeurèrent unis tout au long de leur existence dans leur oeuvre humanitaire.
MAIS DÈS LE XIXE SIÈCLE, ON CONJUGUA ALLÈGREMENT ÉTREINTES ET ENTREPRENEURIAT
Femme de tête, Amélie Louise de Berckheim seconda avec ardeur son époux Jean-Albert- Frédéric de Dietrich dans la gestion des affaires familiales. Cela lui permit d’ailleurs, devenue veuve prématurément, de prendre la direction des Forges du Bas-Rhin et de mener l’entreprise tambour battant ! Dans un autre domaine, Pierre-Frédéric Berger et son épouse Éléonore Levrault – importante figure d’une dynastie d’imprimeurs et de libraires – travaillèrent itou main dans la main. Ils eurent, accessoirement, des enfants brillants, dont la fameuse Lucie Berger.
Davantage de couples emblématiques émergèrent encore au siècle suivant, parmi lesquels les artistes Hans Arp et Sophie Taeuber-Arp, les comédiens Germain Muller et Dinah Faust ou les vulcanologues Maurice et Katia Krafft…
PAR SYLVIE DE MATHUISIEULX SYLVIE M’ÉTAIT CONTÉE ET AUJOURD’HUI ?
Hélas, on m’assure qu’un nombre croissant de nos contemporains, échaudés, blasés, désenchantés, se seraient résignés à faire une croix sur l’amour romantique. Et les derniers nostalgiques, que les conquêtes d’un soir ne peuvent suffire à satisfaire, se tourneraient désormais vers les écrans pour improviser, de concert avec une Intelligence Artificielle, des échanges de mots tendres…
Perso, je trouve ça dommage, mais restons pragmatiques. Il ne nous reste plus qu’à imaginer un SLLMLEE (Super large langage model labellisé exclusivement Elsässisch) qui saura murmurer, mieux que tous les autres, des douceurs exquises aux oreilles de ces pauvres coeurs solitaires.
Retrouvez d’autres chroniques de Sylvie De Mathuisieulx : Sylvie m’était contée


