En avril vous disiez dans les colonnes de Maxi Flash que la seule façon de resserrer le lien démocratique était que les gens puissent à nouveau s’approprier l’action publique, qu’ils aient le sentiment d’appartenance à un territoire. En ce sens, la Contribution populaire pour construire l’Alsace de demain est-elle une réussite ?
Oui, incontestablement. Ce sont quand même 2407 personnes qui ont pris la plume. Dans une période où la citoyenneté semble un peu fatiguée, que des gens, de manière désintéressée, disent « voilà ce que je veux pour l’Alsace de demain », c’est plutôt rassurant. Nous sommes riches de cette expression. Pour moi c’est la phase ultime de toute la démarche démocratique que nous avons engagée depuis trois ans.
2407 personnes, c’est une sorte de panel. Cela représente vraiment les idées des
Alsaciens ?
C’est pour ça que dans le magazine Toute l’Alsace, nous avons souhaité que les gens puissent encore agir. L’objectif est de faire vivre le débat. J’ai envie que l’on prouve à ceux qui ont participé à cette contribution qu’ils ont réellement une capacité d’influence.
Cinq grands thèmes ressortent*. Cette contribution pèse lourd dans votre bilan, trois ans après la naissance de la CeA !
Je trouve que nous avons eu une progression cohérente. Notre action est construite dans une démarche très républicaine, très démocratique. Les Alsaciens ne pourraient pas comprendre qu’ils n’obtiennent pas, par une démarche démocratique, ce que les Corses ont obtenu par une démarche plus contestataire.
Mais c’est très long ! Dans les colonnes de Maxi Flash, vous disiez aussi que le président avait les moyens de rendre les Alsaciens heureux. A-t-il entendu ? A-t-il vu vos signaux de fumée ?
(Rire). Quand j’entends son discours, je me dis que l’on coche toutes les cases. C’est pour ça que je me dis que ce n’est pas possible que l’on ne soit pas pris en considération, et je pense que nous sommes le laboratoire de la décentralisation. Il faut que les annonces se traduisent par des actes. Mais on attend le déclic pour le printemps. Éric Woerth qui s’est vu confier une mission de six mois sur la décentralisation par Emmanuel Macron dit que quand les Alsaciens font quelque chose, ils le font bien.
Parmi les enjeux majeurs des années à venir, il y a les aînés !
Oui, la bienveillance vis-à-vis de nos aînés. C’est un vrai sujet, car nous allons faire face à un mur de vieillissement. Nous devons permettre à nos personnes âgées de vivre dignement. Je suis en train de travailler sur un label de bienveillance dans les EHPAD. Il ne faut pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années. Je sais par exemple, pour avoir été président d’un EHPAD pendant vingt ans à Schirmeck, que le moment du repas est précieux. On peut tous aller manger quelques jours dans un hôpital, mais si le repas d’un hôpital devient le repas d’un EHPAD, pour moi c’est impossible. Pour l’avenir des EHPAD, la puissance publique et les moyens des particuliers ne suffiront pas, il faut que l’on arrive à créer un système local qui s’engage.
Et la jeunesse ?
C’est un autre sujet majeur pour l’avenir, un acte de foi. Nous, on accompagne l’Éducation nationale ; il y a un proverbe africain qui dit qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant.
Un mot sur le réchauffement climatique, sur les enjeux liés à l’eau et ce que l’on appelle déjà la guerre de l’eau !
Aujourd’hui il y a des dangers. Par exemple Stocamine. Je continue à mettre la pression sur ce dossier parce qu’on ne peut pas compromettre l’avenir des générations futures. Notre nappe phréatique est notre capital le plus précieux, nous devons la protéger et par exemple rehausser certains barrages pour garantir de l’eau pour le territoire, c’est une façon d’anticiper les crises à venir. Et puis, nous avons mis en place une grosse politique en matière de plantations d’arbres. C’est l’arbre qui sauvera la planète.
Sur les réseaux sociaux, vous publiez un portrait d’un agent de la CeA par semaine. Pour faire les 6500 agents, il vous faudra dix ans, alors la question c’est : serez-vous là dans dix ans ?
(Rire) Cela ne dépend pas de moi ! Cela dépend de la santé qui me sera donnée, de la volonté de mes électeurs dans mon canton, et de celle de mes collègues de me choisir comme président. La CeA est née avec la promesse de rapprocher l’action politique des habitants, c’est ce que nous avons fait et j’en suis très fier. Le service public alsacien est plus puissant, plus proche, plus humain. Nous avons encore des progrès à faire, nous avons gagné sept prix nationaux en trois ans, ce qui est énorme, mais tous les jours, on remet l’ouvrage sur le métier.
Au moment de cet entretien, vous n’avez pas encore rendu publiques les conclusions du baromètre social, mais l’enquête au sein de la CeA est très positive pour vous. C’est un soulagement ?
Certains ont essayé de salir la Collectivité et notre réputation, mais on voit clairement que ce n’était pas fondé, tout ce qui a été dit sur le malaise des cadres est faux, pour moi, c’était une forme d’acharnement et de harcèlement. Je crois qu’il y a eu beaucoup de fantasmes. Après, nous sommes 6500 (60 % ont répondu), tout n’est pas parfait, la valeur travail a changé, nous devons évoluer et nous travaillons déjà sur un plan d’action.
Pour conclure, je voudrais savoir si petit vous aviez le sourire, car je pense que vous savez que c’est une arme, et je me demande si ça ne vient pas de votre enfance !
En fait, c’est une transmission de ma mère qui était agent de recouvrement à Schirmeck, les gens lui disaient : « On vient payer, mais lorsque l’on vous voit, on a moins mal au ventre (rire) ». C’est un héritage, je n’y suis pour rien. J’essaye d’être chaleureux avec les gens. Pour moi c’est naturel, si je ne me sens pas capable de sourire, si ça ne va pas, je ne sors pas, mais cela n’arrive pas. Je dois avouer que je suis soupe au lait, mais lorsque je me fâche, c’est souvent contre moi, lorsque je ne me trouve pas assez bon.