lundi 8 juillet 2024
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Christophe Haag – Les émotions font la révolution

Alors qu’il a grandi à Volgelsheim dans une famille d’agriculteurs, Christophe Haag n’a surpris personne quand il a choisi la voie universitaire plutôt que l’entreprise familiale d’engins agricoles. Docteur en management, chercheur en psychologie sociale et professeur à l’EM Lyon depuis 2007, il vient de publier Le pouvoir de la surprise (même mauvaise), son septième livre, aux éditions Albin Michel. Les émotions, c’est son domaine d’exploration, et selon lui, les apprivoiser pourrait révolutionner le monde.

Vous avez grandi du côté de Colmar, quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?

J’ai eu une belle enfance, toujours le nez dehors, très entouré, je déjeunais tous les midis chez ma grand-mère. Mes deux grands-mères ont plus de 90 ans et vivent toujours dans le Haut-Rhin, comme mes parents, mes amis, mes cousins… C’est un lieu refuge pour moi, Colmar où je suis né est ma ville préférée. Je retiens ce côté biculturel avec l’Allemagne, on y allait à vélo, je comprends l’alsacien. Ça enrichit, ça procure un état d’esprit. Et j’avais ce côté artistique, curieux, je tournais des films dès 7-8 ans, avec tous les copains du village !
Mes parents m’ont encouragé à faire ce que je voulais dans la vie, en disant, ce que tu feras tu le feras bien.

Aujourd’hui vous êtes chercheur en psychologie sociale, écrivain, conférencier, et professeur habilité à diriger des recherches (HDR) à l’École de management (EM) de Lyon, quel est votre parcours ?

J’ai fait un DUT en chimie et physique par mimétisme avec mon frère, mais ce qui m’intéressait vraiment, c’était l’humain. Je pars pour Nice faire une école de commerce, je continue avec un master de recherche à Paris qui m’a poussé à faire un doctorat et à m’intéresser aux émotions. Mes premiers rats de laboratoire ont été les grands patrons du CAC40, je m’étonne encore qu’ils aient répondu favorablement à mes tests de simulation de crise ! Aujourd’hui, je fais de la recherche fondamentale, on publie des papiers dans de grandes revues, et derrière, elle me sert à écrire des livres pour tout le monde, c’est-à-dire que mes résultats de recherche deviennent des conseils concrets pour les gens. Comment les aider dans la gestion du stress ou des conflits, la prise de décisions, l’éducation des enfants, etc.

Le pouvoir de la surprise,
aux éditions Albin Michel. /©Dr
Peut-on dire que vous vulgarisez les neurosciences, un peu à la manière du dessin animé Vice-versa ?

Vice-versa le fait très bien en racontant une histoire ; chez moi, les protagonistes sont des humains réels qui portent à l’instant T une émotion parce qu’ils ont vécu quelque chose d’extraordinaire, un astronaute, une survivante de crash, et qui peuvent nous aider dans notre quotidien, elle est là la vulgarisation. En l’occurrence, l’histoire de Damien Echols, rescapé du couloir de la mort aux États-Unis, a été le déclic pour écrire sur la surprise. On ne la retrouve pas dans Vice-versa d’ailleurs, elle est sous-étudiée, mais elle a un pouvoir tel qu’il faut l’explorer, car elle est à la fois plaisante et déplaisante. L’idée dans mon travail est d’essayer de cracker ce Da Vinci code des comportements humains, et quand on a compris comment fonctionnent les émotions, l’impact sur les décisions, la qualité relationnelle, derrière on peut rééduquer le cerveau.

Pourriez-vous définir l’intelligence émotionnelle (IE) ?

Il y a plusieurs formes d’intelligence, l’intelligence logico-mathématique mesurée par le QI, verbo-linguistique, visuo-spatiale… ou encore l’IE. Elle a été découverte fin des années 80 par Peter Salovey, le président de l’université de Yale. L’IE est la capacité à raisonner à partir des émotions pour produire un comportement qui vous permet de vous adapter dans une situation donnée pour maintenir ou optimiser votre niveau de bien-être. Les individus émotionnellement intelligents sont capables de repérer une émotion chez eux, des signes physiques, physiologiques, et chez les autres aussi, la gestuelle, la tonalité de la voix, les mouvements des muscles faciaux, les mots employés… Moins de 1% de la population est experte en IE. Les avantages sont moins d’hormone de stress, de maux de tête, de meilleures qualités relationnelles, moins de maladies, moins d’addictions, un meilleur sommeil, moins toxiques pour autrui…

Avec Frédéric Lopez, pour l’émission Empreinte émotionnelle disponible sur YouTube. / ©Dr
Mais l’IE est-elle innée ou peut-on la cultiver ?

Elle peut se cultiver et c’est un message d’espoir. Il y a toujours quelque chose de génétique, notre rapport au stress par exemple, on ne naît pas égaux. Mais on peut apprendre l’utilité des émotions, des stratégies de régulation émotionnelle, les expériences de vie sont des cours de rattrapage… Une des plus grandes découvertes en neurosciences, c’est la plasticité cérébrale qui dit qu’à tout âge on est capable de produire de nouveaux neurones.

S’intéresser aux émotions, c’est une prise de conscience récente de la société ?

Une vraie révolution affective s’opère au niveau de l’entreprise et de la société, les domaines du luxe, BTP, pharmaceutique, le service public… commandent des tests pour former leurs salariés et managers, des artistes mondialement connus aussi !
Nous voulons transformer le monde en donnant les outils, parce que les gens sont angoissés et dépassés. On sait que 9 angoisses sur 10 sont factices, on se fait un film. Si on était plus intelligent émotionnellement, on saurait évacuer le vrai du faux, pour ne pas mettre le cerveau en surrégime.

Peut-on et doit-on créer la surprise au quotidien ?

Toute la thèse du livre, c’est qu’on n’est pas assez producteur d’émerveillement et quand la surprise arrive on a du mal à l’apprivoiser. Dans notre vie, on veut tout contrôler, anticiper, l’agenda, etc., et on ferme la porte à la surprise. D’un point de vue neurologique quand on est ancré dans la routine avec un ennui chronique, cela stoppe la production neuronale et c’est problématique. La surprise nous aide à apprendre plus vite et mieux, cela crée un ancrage émotionnel et a un impact sur la santé.

L’équipe de Génération QE. / ©Dr
Et vous, quand avez-vous été surpris la dernière fois ?

J’étais à une station essence, et quelqu’un se trompe de pompe. Il avait la même voiture et a mis de l’essence dans mon moteur diesel, donc moi j’ai rajouté toutes les heures un quart de gasoil et à un de mes nombreux arrêts, j’ai rencontré quelqu’un qui témoignera dans mon prochain livre… Bref, il y a un bénéfice caché aux choses les plus noires. Et c’est ce que nous montre Damien Nichols, qui a vécu autant de surprises déplaisantes, son incarcération, sa condamnation, les sévices subis, que de surprises positives comme son mariage en prison, sa libération en 2011, le documentaire où tout Hollywood se mobilise… Quand on parvient à apprivoiser la surprise, le toxique, la noirceur, l’insoutenable ne nous brise pas.


 

Testez votre QE

Si les tests psychométriques mesurent le quotient intellectuel (QI), qu’en est-il du quotient émotionnel (QE) ? Christophe Haag a fondé avec sa co-auteur Lisa Bellinghausen l’entreprise Génération QE, et produit deux tests validés par des résultats en neurosciences : QEPro pour les professionnels et QEg (généraliste) pour le grand public. Il explique :
« Tous les tests sérieux sont des tests payants, sinon les gens s’entraîneraient et on mesurerait un apprentissage. Avec QEg, vous obtenez un profil émotionnel, une toile d’araignée, vous voyez vos forces et vos faiblesses, et vous aurez des pistes de développement ». Le test coûte 65€ au lieu de 85€ avec le code MAXIFLASHQE12 valable une semaine sur www.generation-qe.com

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