lundi 13 janvier 2025
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Jenny Litzelmann – Ambassadrice du respect de la vie

Depuis près de 14 ans, elle dirige avec passion la Maison Albert Schweitzer et diffuse la pensée du célèbre docteur. Pourtant, rien ne destinait cette philosophe en devenir à prendre la direction d’un musée. Maxi Flash est entré dans la maison, à l’occasion des 125 ans de la naissance et des 60 ans de la mort du prix Nobel de la paix.

Vous dirigez cette Maison depuis novembre 2011. Qu’est-ce qui vous a amené ici ?

J’ai le souvenir qu’on était venu avec ma classe, en CM1, je crois. On a visité la Maison Schweitzer. Je me souviens de sa couverture bleue à pois, sur le lit, en bas. Mais la passion s’est déclenchée durant ma thèse. J’ai redécouvert des textes d’Albert Schweitzer sur la relation entre l’homme et l’animal. J’ai trouvé ça incroyable. En plus c’est un Alsacien, et j’étais à Paris, alors j’étais fière (rire). J’ai fait des études de philosophie à Strasbourg, que j’ai terminées à la capitale.

Pendant mon doctorat, il y avait ce professeur de l’UNESCO, un Norvégien amateur de Schweitzer depuis tout petit. Il a fait comme lui : de la philosophie, de la théologie et de la médecine. C’est devenu un ami.

Un jour, il a organisé à Gunsbach une école d’été dans l’ancien presbytère, sur Schweitzer et le « Respect de la vie ». Il m’avait dit de venir, dans le cadre de ma thèse. J’y ai donc passé une semaine. Il m’a annoncé que la Maison Schweitzer cherchait un nouveau directeur. En quelques mois, j’ai déménagé et j’ai commencé à travailler ici.

Vous avez parlé du « Respect de la vie », la philosophie d’Albert Schweitzer. En quoi consiste-t-elle ?

Il a trouvé cette formule, approximativement traduite de l’allemand « Ehrfurcht von dem Leben », en 1915. C’est une éthique pour régénérer la civilisation. Pour bien comprendre, il faut savoir qu’Albert Schweitzer, c’était un jeune tourmenté, qui se posait plein de questions, et la souffrance, des autres et des animaux, le chagrinait. Alors avec l’âge, il s’est inquiété pour l’avenir de la civilisation. Pour lui, les philosophes ont arrêté de penser à l’avenir de la société. Il y a eu une défaite de la pensée et un déclin des valeurs, liés à un progrès matériel trop rapide par rapport aux progrès intellectuels et moraux. Ça amène à un déclin durable de la civilisation. Donc ce que Schweitzer appelle le « Respect de la vie », c’est une synthèse de ces pensées : il faut être bienveillant, faire en sorte d’améliorer le sort des hommes, des animaux ou des végétaux. D’ailleurs, tout ce qu’il se passe aujourd’hui, il l’avait vu. Par exemple, avec le progrès matériel, il a affirmé que l’humanité avait désormais la capacité de détruire l’environnement. Il a vu juste. Sa pensée est toujours aussi actuelle, parce que visionnaire.

La Maison Albert Schweitzer abrite également un musée dédié au docteur.
©Jenny Litzelmann
La mission de cette Maison, c’est donc de parler de cette éthique ?

Et de la pensée qu’il y a derrière : la cause animale ou encore la médecine humanitaire. C’est inscrit dans les statuts de l’association qui est propriétaire de la Maison et que Schweitzer a créée en 1930. Malheureusement, aujourd’hui, on connaît surtout la facette du médecin, du prix Nobel. La philosophie du Respect de la vie est moins connue. Le musée est donc l’un des outils permettant sa diffusion. Bien sûr, il y a aussi la sauvegarde des archives.

Avant votre rencontre avec ce personnage, que vouliez-vous faire ?

Je me suis toujours intéressée au vivant. J’ai voulu être biologiste, puis médecin, pour finalement partir sur philosophe, et terminer ici. J’aime également tout ce qui est exobiologie, la recherche de vie ailleurs. Albert Schweitzer s’y connaissait un peu lui aussi. Il utilise l’univers dans certaines de ses phrases.

Que des disciplines que l’on peut relier au docteur.

En effet. Petite, j’avais la même sensibilité que lui. J’avais beaucoup de mal à supporter le fait qu’on fasse souffrir des animaux, ou même arracher des fleurs. Quand mon père tapait les guêpes sur la terrasse en été, ça me rendait dingue ! Je lui cachais la tapette à mouches. Quand on regarde mon parcours, il est assez atypique, mais il y a un fil conducteur : cette sensibilité aux êtres vivants, le fait de mal supporter la souffrance des autres.

©Jenny Litzelmann
Albert Schweitzer, c’est une grande partie de votre vie, est-ce que vous le voyez comme un maître spirituel ?

Oui. C’est un peu comme un ami avec lequel je chemine. Ce n’est pas seulement professionnel. Ma profession m’a permis de le découvrir plus en profondeur. On lit plein de documents qui n’ont jamais été rendus publics. On est dans sa maison, son intimité. C’est un lieu habité. Ce que j’aime dans mon cheminement avec lui, c’est son optimisme. Toute sa vie, malgré des difficultés énormes, il est toujours resté fixé sur son action. Un homme simple qui a fait son travail et poursuivi ses idéaux de jeunesse. Garder son idéalisme, envers et contre tout, et le mettre en action, ça m’inspire, c’est un objectif.

2025 est une année particulière, avec les 60 ans de sa mort, et les 150 ans de sa naissance ce mardi 14 janvier. Qu’allez-vous faire de particulier ?

Notre mission ne change pas, à savoir lui redonner la place qu’il mérite. Mais sur le moment, ces anniversaires vont apporter quelque chose. On a plein d’idées, mais on n’est pas assez nombreux ! On cherche toujours des bénévoles et on peut nous faire des dons, avec réduction fiscale (rire). Pour le 14 janvier, nous avons organisé un dépôt de gerbes à Kaysersberg, où il est né, suivi d’une conférence de presse avec les personnes qui organisent des événements importants durant cette année. Sans oublier la venue d’une délégation gabonaise le matin. Et le soir, à l’église de Gunsbach, nous avons prévu un concert avec le Chœur d’Hommes de Griesbach. Mais personnellement, je ne suis pas très sensible à tout ça. Schweitzer n’est pas plus important parce qu’il a 150 ans. C’est une occasion, un prétexte pour faire parler de lui. Important, il l’a toujours été.

L’info en plus

Le programme des commémorations de 2025, avec un agenda évolutif, est disponible sur le site Internet de la Maison Albert Schweitzer : schweitzer.org.

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