Pour commencer, un mot sur l’enfant que vous étiez ?
J’étais un garçon assez timide, j’ai grandi dans une ferme après la guerre. On ne peut pas s’imaginer les conditions de vie, les toilettes sur le tas de fumier, les chevaux de trait. Je n’étais pas malheureux, je n’ai jamais manqué de rien. C’était au Rosenkranz, près de l’avenue de la Foire aux Vins. Je fais partie de cette génération qui a vécu une évolution extraordinaire. Je crois que l’on ne sort jamais de l’enfance, on surmonte les traumatismes et l’on essaie de vivre ses rêves d’enfants.
Et vous rêviez de politique ?
J’ai pratiquement toujours été délégué de classe et au collège de Fortschwihr, j’étais même président des élèves. J’aimais bien être devant, c’était naturel, je ne me forçais pas, c’est clair, ça me plaisait.
Vous avez la réputation d’un homme qui sait s’adapter. Pensez-vous que cette qualité vient de ce que vous avez vécu pendant votre jeunesse ?
Lorsque je suis arrivé à l’école, je ne parlais pas un mot de français. C’était un handicap mais une fois au lycée, j’ai été très bon en français. Ça m’a posé un problème au début de ma carrière pour m’exprimer en public mais après, je me suis installé dans le rôle. J’étais directeur à la Banque Populaire à 27 ans, j’ai fait l’IHEDN (Institut des Hautes Études de Défense Nationale), c’est la fonction qui fait l’homme et je me suis adapté à toutes les situations. Même à l’Assemblée Nationale. J’entre très vite en lien avec les autres, des enfants aux personnes âgées. Pour moi, l’intelligence c’est ça, s’adapter à son milieu.
Que vous a appris votre fonction sur l’homme que vous êtes ?
Je me fie à mon instinct, je sens le terrain. Je crois que j’ai beaucoup d’instinct politique. J’ai toujours su prendre des risques. En revanche, je n’aime pas me fâcher avec les gens, je n’aime pas le conflit. À la fin, Gilbert Meyer m’a soutenu parce que je ne l’ai jamais attaqué. Alors évidemment, je lui ai piqué son job en 2007 et il m’en voulait à mort mais je ne l’ai jamais mis en cause.
Qu’est-ce qui vous a rendu le plus fier et au contraire, le moins fier de vous ?
Je n’ai pas de fierté… mais je suis vraiment à l’origine du plan d’eau de Colmar-Houssen, c’est une belle réussite. Quant aux erreurs, on s’en rend compte 10 ans après. J’ai toujours pris mes décisions en fonction des éléments que j’avais en ma possession. Pour le COVID, nous avons monté le premier centre de vaccination en Alsace. Je l’ai fait à l’instinct mais ça aurait pu être une énorme erreur. Parfois je commets des erreurs d’appréciations sur les gens, comme nous tous.
Et Didier Raoult, que vous avez soutenu en 2020, c’était une erreur d’appréciation ?
À l’époque, j’étais assez influencé par mes collègues parlementaires qui me disaient que les gens guérissaient à Marseille, que c’était extraordinaire. Mais avec le recul, beaucoup de gens guérissaient partout et heureusement. On n’avait pas assez de recul scientifique. On s’en est rendu compte après, ça n’apportait rien mais quand on est devant une inconnue, il faut tout essayer pour saisir la chance de s’en sortir.
En 2020 vous disiez que la mairie de Colmar était votre rêve, ça l’est toujours ?
On est toujours un peu exposé, mais être maire reste le plus beau mandat politique, c’est là où vous avez vraiment la capacité de changer les choses, la capacité d’exercice sur votre environnement. Et puis, être maire de la plus belle ville de France, c’est une chance, c’est un très très beau mandat.
Ce costume-là, vous le portez bien. Parfois même avec une paire de baskets rouges Colmar !
Vous savez, j’ai aussi le sens de la com. Je suis revenu de vacances pas rasé et quand le Garde des Sceaux est arrivé à Colmar, je l’ai accueilli et je lui ai dit : « Si vous annoncez la réutilisation des locaux de la maison d’arrêt, je me rase la barbe ». Toute la conférence de presse a tourné autour de ce rasage de barbe. Et, oui j’ai vraiment des baskets de la marque Colmar, la première fois que je les ai portées, ça a fait parler. Lorsque je découvre le pot de Nutella Colmar, je prends une photo et elle est vue 250 000 fois… Les réseaux sociaux sont le reflet de notre personnalité.
Pour préparer cet entretien, nous avons interrogé ceux qui vous connaissent bien. On nous a dit que vous aviez une énorme capacité d’écoute et de travail !
Je travaille très tôt le matin, je peux commencer à 5 heures. Je traite mes mails assez rapidement. Je peux faire plusieurs choses en même temps : j’étais président de département et député. J’ai été premier dans le classement des députés les plus actifs de France réalisé par France Télévision.
Vous aurez 60 ans l’année prochaine, qu’est-ce que vous a appris la vie ?
À chaque jour suffit sa peine. J’ai quand même géré beaucoup de difficultés. J’ai toujours géré des exécutifs, que ce soit dans une petite commune comme Houssen ou une grande comme Colmar et j’arrive toujours à relativiser. Ce qui est vrai un jour ne l’est plus le lendemain.
Propos recueillis et rédigés par Éric Genetet et Anne-Sophie Feltz