Mon Schweitzer est votre 14ème livre. L’écriture fait partie intégrante de votre vie depuis longtemps ?
L’écriture est ma vie. Il y a 6 ans j’ai même arrêté toute activité professionnelle pour me consacrer exclusivement à l’écriture. C’est mon équilibre, mon oxygène, j’en ai besoin. Je prends le temps de penser et de transmettre des émotions aux gens. Vous savez, je viens de la vallée de Munster et à l’âge de 11 ans, je savais ce que je voulais être : journaliste. J’ai été journaliste d’investigation, puis réalisateur indépendant. En 2006, je suis devenu directeur des programmes de France 3 Alsace. Ensuite, pour le groupe SFR, j’ai dirigé des sites d’informations sur l’actualité numérique. Mais en parallèle de tout ça, j’ai toujours écrit des livres. Je suis très heureux que Mon Schweitzer soit un ouvrage collaboratif. De surcroît avec le soutien de la Maison Albert Schweitzer de Gunsbach et de sa directrice Jenny Litzelmann.
En plus de l’écriture, vous êtes donc passionné par l’homme Albert Schweitzer ?
Alors là, il y a une histoire. J’ai commencé à partir de 1989 à réaliser des documentaires.
En 1991, France 2 a diffusé mon tout premier : Albert Schweitzer, premier médecin du monde. Je l’ai tourné à Lambaréné, à l’hôpital qu’il a fondé, où il a soigné 300 000 personnes.
Pourquoi Schweitzer comme premier sujet ?
Parce que, après Oui-Oui et Le Club des Cinq, le premier livre que j’ai lu, à 10 ans, c’était Souvenir de mon enfance. Un livre où Albert Schweitzer raconte son enfance. Donc le documentaire, c’était déjà un premier hommage. Ensuite, dans Mon Schweitzer, j’ai écrit deux chapitres. Dans le premier, Il est mon ami depuis l’âge de 10 ans, je raconte mon histoire et mon lien affectif avec lui. Quand je dis qu’il a été mon premier ami, c’est vrai, il l’a été. Dans Souvenirs de mon enfance, il dit des choses très simples, mais profondes, il se questionne. Et les interrogations qu’il pose ont fait écho à mes propres questions. Aujourd’hui encore, c’est un ami. Je suis viscéralement et affectivement attaché à lui. Ensuite, dans le dernier chapitre, Très cher docteur, nous avons encore tant besoin de vous, il y a une phrase à laquelle je tiens : « J’ai eu l’étrange sensation de votre présence, j’ai pris la main de l’invisible, j’ai détaillé le verbe qui me traversait ». C’est-à-dire que pendant les 3 mois de travail pour créer ce livre, tout s’est parfaitement déroulé. Comme s’il y avait quelque chose qui nous accompagnait, une forme de magie…
Pourquoi lui rendre à nouveau hommage en cette fin d’année ?
2025 est le 150ème anniversaire de sa naissance et le 60ème de son décès. J’ai un ami écrivain, Guy Michel, qui habite dans la vallée de Munster. Un dimanche après-midi, il m’a appelé en me disant : « Il faut faire un truc sur Schweitzer ». Là, j’ai eu un flash : des auteurs habitant la vallée de Munster racontent ce que représente Schweitzer pour eux. Quand tu habites dans la vallée, tu ne peux pas vivre sans être confronté à Albert Schweitzer. La deuxième idée que j’ai eue, c’est qu’il fallait aussi interroger les gens de la vallée. Au total, 80 personnes ont été questionnées : des commerçants, des retraités, des élèves de lycées… N’importe qui dans la vallée a quelque chose à dire. Je suis ému quand j’en parle, parce que c’était une aventure prodigieuse, que d’aller à la rencontre des gens. Pour quasiment chaque personne que j’ai rencontrée, à un moment, j’avais les larmes aux yeux.
Ça n’a pas été difficile de trouver suffisamment de témoignages ?
Pas une seconde. Je vais vous donner des anecdotes : la sortie officielle était le 15 novembre. Ce que je ne savais pas, c’est que c’est la Saint Albert. Un hasard extraordinaire ! Le 6 décembre a lieu la présentation officielle. Je ne voulais pas un rendez-vous intello, alors j’ai demandé au musicien Ba Banga Nyeck s’il accepterait de venir. Il m’a répondu : « Pas de problème, si c’est pour Schweitzer, je viens ». Je me suis aussi dit qu’il faut du vin et à manger. Alors j’appelle le pâtissier de Munster, Thierry Gilg, et je lui demande de participer. Il m’a répondu : « Pas de problème, parce que c’est Schweitzer. Quand il était encore là, il commandait des Kougelhopfs à mon papa ». J’ai également demandé au seul viticulteur de la vallée. Lui m’a dit : « Pour Albert Schweitzer, je viens et j’amène du vin ». Il y a aussi une phrase sur la quatrième de couverture, inspirée d’une chanson de Johnny : « Nous avons tous en nous quelque chose d’Albert Schweitzer ».
Et comment résumer ce livre ?
C’est un recueil de récits et de témoignages d’habitants de la vallée de Munster. C’est un ouvrage d’émotion, dans la droite ligne de ma démarche d’auteur : je veux de l’émotion, je veux qu’on pleure. Qu’on ose pleurer.
Finalement, que doit-on retenir d’Albert Schweitzer ?
C’est un honnête homme, au plus beau sens du terme. Un homme bon, qui a des valeurs. Je suis en train de lire l’intégralité de sa correspondance précédant son mariage. Il y a 600 lettres. Tout ce qui concerne un honnête homme est là-dedans. Avec Jenny Litzelmann nous avons un projet littéraire autour de ces lettres. Je ne suis pas près de quitter Albert Schweitzer. Chaque personne qui lui écrivait avait droit à une réponse. Il a écrit 200 000 lettres au cours de sa vie, soit plus de 3 000 par an, 10 par jour en moyenne ! Dans une société qui est fracturée, fragmentée, superficielle, et basée sur l’ego, lui agissait pour les autres en essayant d’être juste, vrai, à chaque instant. J’ai réalisé, pour les salons du livre, une bande vidéo avec des citations de Schweitzer. Il n’y en a pas une qui est datée. Ses paroles sont actuelles, pertinentes. C’est pour ça, cher docteur, que nous avons encore tant besoin de vous.
Mon Schweitzer est un ouvrage collectif, une œuvre originale qui rend hommage à Albert Schweitzer à l’occasion des 150 ans de sa naissance, et des 60 ans de sa mort. Il réunit les récits d’une douzaine d’auteurs et les témoignages de 80 habitants de la vallée de Munster. Voici un extrait du témoignage d’Adeline Martin, une étudiante en droit à Munster :
« J’ai lu qu’Albert Schweitzer ne voulait pas se laisser enfermer dans des liens matrimoniaux. J’ai compris qu’il y a des fantasmes et des non-dits sur sa vie affective. Lui-même s’en est amusé en disant à un ami : « On pourrait écrire un roman sur les amours du Dr Schweitzer ». Moi j’aimerais qu’un livre raconte son lien aux sentiments amoureux, sa perception de l’affection, son attachement aux femmes, entre sa mère, son épouse et celles avec lesquelles il a travaillé toute sa vie et qui le vénéraient.
Il serait plus proche de nous et plus humain. »