Attendu par les uns, redouté par les autres, le marché de Noël est un moment à part dans l’année. À la magie des lumières et au doux fumet du vin chaud, on rétorquera par la surpopulation, l’impossibilité de se garer ou de circuler tranquillement. Une période de schizophrénie totale, puisqu’on est nombreux à aimer la période de Noël, les spécialités, les sourires, les cadeaux, la famille… Mais quand on habite Strasbourg et que l’on voit déferler en quatre semaines plus de 3,3 millions de visiteurs, le vin chaud fait tourner de l’œil. Une fréquentation qui devrait être « tenue » par le nouveau préfet du Bas-Rhin, Jacques Witkowski, qui a estimé qu’il faudrait « limiter » la jauge à 3 millions de visiteurs. Suffisant sans doute pour conserver un taux d’occupation dans les hôtels de 95% !
Car on touche là du doigt l’une des préoccupations majeures du moment : le mois de décembre est « crucial », pour reprendre le mot d’Emmanuel Wanner, président d’honneur de l’association Vivre Nord Alsace (VNA) qui compte 45 adhérents (commerçants, artisans) entre Wissembourg et Strasbourg : « Après une année marquée par les hausses des prix et de l’énergie, beaucoup jouent leur va-tout, alors ils mettent le paquet. » Les décorations des commerces indépendants font beaucoup, et « ils y pensent dès le mois de septembre, octobre, pour pouvoir s’approvisionner également. Ils investissent plusieurs milliers d’euros ». En espérant attirer des clients.
À l’échelle de Strasbourg uniquement, on estime à plus de 250 millions d’euros les retombées économiques. Pour les commerces des centres-villes à Strasbourg, Haguenau ou Colmar, le mois de décembre représente 30 à 40% du chiffre d’affaires annuel. Mais Noël, en Alsace, cela doit être plus qu’un bilan comptable.
Retour aux valeurs
Pour exister face aux mastodontes que sont Strasbourg, Colmar, Haguenau ou Obernai, les petites villes se doivent de proposer autre chose. À Soultz-Sous-Forêts, l’équipe de la Saline planche toute l’année sur un programme très riche, entre déambulations, spectacles de rue, concerts, contes, cinéma, etc. « C’est énormément de boulot », rigole la directrice de la Saline, Emilie Keller. « Ce qu’on recherche, c’est l’authenticité, la convivialité. On ne veut pas que les gens passent juste d’un stand à l’autre. L’an passé, on a accueilli 7 000 visiteurs, ce qui est quand même assez conséquent. On est face à un public de secteur, donc on veut leur faire vivre une expérience, faire des choses ensemble, créer des rencontres. » À Soultz-Sous-Forêts, c’est donc l’esprit de Noël qui est visé, avant tout.
Si l’on continue notre descente du plus gros au plus petit, il faut noter que de très nombreux villages proposeront une journée de Noël, avec aussi des stands, du vin chaud, une façon de mobiliser un peu tout le monde. Direction Val-de-Moder, ses 50 exposants et ses concerts, par exemple. Depuis l’an passé, le marché de Noël s’étend sur deux jours (30 novembre et 1er décembre). « Avant c’était uniquement le dimanche, mais c’était beaucoup de boulot pour une seule journée », note Florian Fischer, le président de l’association Val’en Scène, qui organise l’événement avec les équipes de la ville. « Ce qui est bien, c’est que ça fait vivre la commune. Ici, c’est authenticité avant tout, tu ne trouveras pas de churros, ni de made in China. Ce sera plutôt un producteur d’escargots ou des micro-brasseurs. Pour eux, c’est important, c’est une belle visibilité, avec les réseaux sociaux, les gens les rencontrent, et ensuite ils peuvent les suivre. » Avec ses 10 à 15 000€ de budget, Val’en Scène met aussi les moyens pour séduire des visiteurs, « jusqu’à 40km à la ronde. On commence à bosser dessus entre avril et juin… C’est du boulot, mais on aime rassembler les gens, c’est chouette ».
Ces dernières années, de nombreuses annonces ont été faites sur le retour aux traditions, à l’authenticité. Cela plaît encore plus aux touristes, avec des records battus en 2023. Et si, finalement, l’Alsace avait trouvé le bon compromis ?