Le 4 juin 1945, c’est un lundi, Daniel Guggenbühl retourne en classe chez lui à Ingwiller. Il a 9 ans et tient un Tagebuch. Et il a la bonne idée de raconter ce qui se passe vraiment, par exemple en novembre, décembre et janvier les avions américains et allemands volaient très bas et les chars s’arrêtaient devant leur maison. Son cahier était tenu en allemand, dès aujourd’hui, ce sera en français.
Je suis instituteur, j’obéis aux instructions, c’est mon dernier jour en langue allemande et mon premier en français, je suis une exception, je conserve mon poste d’instituteur. Les autres instituteurs allemands ont disparu, des sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé vont les remplacer. J’avais suivi en 1940 une Umschulung obligatoire en Allemagne, un stage dans le pays de Bade. À la fin de la guerre, j’ai été incorporé dans un bataillon sur le front est, j’ai été libéré par les Américains d’un camp de prisonniers de soldats allemands et par chance je n’ai pas été envoyé dans un autre camp de prisonniers en Amérique.
Daniel mon élève note « pour la première fois, nous avons science en langue française. Nous avons beaucoup de devoirs. Tous les jours, on attrape des doryphores sur nos pommes de terre. Le jeudi matin, on va au catéchisme. On change l’argent ».
Dans une petite ville, on se raconte toutes les histoires. Le grand-père de Daniel est un cheminot à la retraite, alors pour lui, les voyages en train sont gratuits ! Il a un ami à Dijon, et comme il ne parle que l’alsacien, il dit qu’il a appris l’esperanto ! Il faut changer à Belfort et ensuite surveiller les pancartes jusqu’à Dijon. Le grand-père se penche à la fenêtre et aperçoit « Dôle ». Nom d’un chien se dit-il alors là, le Dolle, l’imbécile, ce n’est pas moi !
Fritz, Daniel Guggenbühl, éditions Bourg-Blanc, 2015.
Ambroise Perrin