dimanche 8 septembre 2024
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Les regards de Simone – Houblon, Hopfe

Les houblonnières, avec leurs hauts poteaux de bois reliés entre eux par des fils de fer, donnent du caractère à nos paysages. Les lianes s’y élancent en spirales, comme si elles voulaient atteindre le ciel. C’est plaisir de voir ces tentures végétales enlacées par cette plante, que l’on peut regarder pousser par jour de grand ensoleillement, à raison d’un centimètre par heure.

Il n’y avait pas de houblon dans la ferme de mes grands-parents maternels à Lochwiller. Il fallait se rendre six kilomètres plus loin, à Maennolsheim, pour voir les houblonnières, qui ensuite devenaient de plus en plus nombreuses vers l’Ackerland et le Kochersberg. Les houblonnières ne sont présentes qu’en certains endroits, car le houblon a ses exigences :  il veut un sol profond, limoneux, argileux et bien drainé. On dit d’ailleurs qu’il doit toujours « avoir les pieds dans l’eau et la tête au soleil ». L’été fera mûrir ses cônes précieux pour l’amertume qu’il donne à la bière.

Entretenir une houblonnière représente une masse de travail. Il faut au printemps arracher une partie des pousses de chaque pied pour n’en maintenir que trois ou quatre. Lorsque les cônes sont mûrs vers la fin septembre, on procède à l’arrachage des lianes vigoureuses. Autrefois, elles étaient versées sur le sol de la grange où les femmes, avec quelques rares hommes, étaient assises, et détachaient les cônes pour les faire tomber dans le grand panier. Cette cueillette dite Hopfezopfe se prolongeait autrefois jusque tard le soir. Maman me racontait avec passion ce travail autour du houblon planté par sa marraine de Maennolsheim et pour lequel toute la famille, solidaire, se mobilisait. Et le mot Hopfezopfe chante dans ma tête. Même si je n’ai jamais cueilli de houblon.

Aujourd’hui, la cueillette ne se fait plus à la main : il est indispensable pour tout houblonnier d’avoir une cueilleuse-trieuse, qui séparera les cônes de la liane. Le houblon est une plante exigeante qui veut des soins particuliers tout au long de la période végétative. À l’automne, chaque agriculteur saura reconnaître quand les lianes hautes d’une dizaine de mètres doivent être arrachées. Les planteurs de houblon surveillent leurs houblonnières pour juger à la fleur de houblon, si celle-ci se porte bien et est appréciée par les brasseurs, et quand il faut la cueillir.

La feuille de houblon ressemble à la feuille de vigne. / ©S.Morgenthaler

L’Alsace compte une quarantaine de producteurs concentrés sur le Bas-Rhin. La culture du houblon s’étale sur près de 500 hectares. L’an dernier, le sol alsacien a donné 400 tonnes de houblon. Cette plante vivace grimpante est aussi appelée « vigne du Nord », une désignation qui correspond à la réalité de cette production qui se situe essentiellement, pour la France, dans les Flandres et en Alsace.

 

Le houblon est une plante dioïque, comme l’ortie, ce qui signifie que les fleurs mâles et les fleurs femelles poussent sur des pieds différents. Les femelles produisent des chatons qui, à floraison, deviennent ces cônes utilisés pour la bière. Seuls les pieds femelles produisent des cônes. Ses feuilles dentelées ressemblent à la feuille de vigne, mais elles sont rêches et moins épaisses. Les fleurs des pieds femelles donnent les cônes qui contiennent une poussière dorée agréablement aromatique. Cette substance, nommée lupuline, donne la saveur amère à la bière et confère à la plante ses propriétés médicinales. C’est Hildegarde de Bingen, cette abbesse allemande, poétesse, compositrice et spécialiste des plantes, qui découvrit au 12e siècle les vertus antiseptiques du houblon. Car avant d’aromatiser la bière, le houblon servait à la conserver plus longuement. Lorsqu’on constata son pouvoir aromatisant, il détrôna les autres plantes comme l’achillée, la gentiane, le lierre terrestre et le genévrier qui la parfumaient jusque-là.

Jeunes filles du village de Haegen cueillant du houblon dans les années 30. / ©archives S.Morgenthaler

Mais le houblon est réputé pour d’autres bienfaits, notamment pour ses propriétés calmantes. Il stimule l’appétit et facilite la digestion et il est un œstrogène qui peut atténuer les carences hormonales, tout comme les douleurs et les inconforts liés à la ménopause. Ses vertus soporifiques sont efficaces contre les insomnies.

 

La bière me ramène à un souvenir d’enfance fort. Les après-midis de fenaison, lorsqu’il ne restait plus assez de bière et de limonade à la cave, j’avais pour mission d’en chercher au bistrot du village. Lestée de ce filet rempli de bouteilles, la côte à grimper pour le retour me semblait plus rude que jamais. Mais j’imaginais le geste à faire pour ouvrir la fermeture en métal et porcelaine, munie d’un caoutchouc rond et rose. J’imaginais le « pschitt » caractéristique qui s’en libérerait. Et je me réjouissais à l’idée de désaltérer les gorges asséchées avec cette bière mousseuse, parfois panachée de limonade.

 

Bel été !

Une comptine célèbre issue de la mémoire populaire

 

Hopfe zopfe

Bolle ropfe

Stìl dràn lonn.

Wer’s nìt kànn,

Soll’s bliiwe lonn !

 

Cueillir du houblon

En arracher les cônes

Y laisser les tiges.

Que celui qui ne sait le faire

S’en abstienne !

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