9h00
Un immense amas de pierres, voilà la première chose que je vois en me garant. Pas de doute, je suis au bon endroit. Les ateliers, eux, sont cachés, derrière ces blocs et les bureaux. C’est à l’intérieur du sien que m’accueille Matthieu Loeffler, responsable d’études de prix. Avec un café, pour affronter la froideur de l’hiver. Il commence par un point sur l’histoire de la société, fondée en 1937 par Louis Scherberich : « Elle s’est développée et s’est tournée vers la restauration de monuments historiques après la Deuxième Guerre mondiale, et vers l’immobilier, l’industrie. Les enfants de Louis, puis les petits enfants ont repris l’entreprise. Mais elle s’est mise à péricliter, pour finir par être placée en redressement judiciaire en mars 2020 ». La solution face à cette crise est venue d’en bas, des employés de la partie monuments historiques : « On s’est mis tous ensemble, on a constitué une SCOP qui a racheté cette partie de la société au tribunal de Colmar, en juillet 2020 ». Ainsi est né Scherberich Monuments Historiques.
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10h00
Il m’emmène ensuite dans l’atelier de débitage. C’est la première étape d’un bloc de pierre, une fois extrait de sa carrière. Deux travailleurs, un père et son fils s’y trouvent. Le premier bloc que je vois, sous une immense scie, est destiné à la collégiale Saint-Martin de Colmar. Il vient du stock situé devant le parking. « Là, on donne une liste et les quantités, et les débiteurs coupent des cubes, des « blocs capables », qui vont ensuite à la taille », m’explique Matthieu, au milieu du vacarme des machines et des jets d’eau. « L’eau sert à éviter qu’elles surchauffent, et à enlever la poussière », précise-t-il.
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11h00
La taille justement, se situe derrière. Nous y allons, passant par le bureau de l’appareilleur : « C’est le chef d’atelier. C’est lui qui fait les relevés des pierres à remplacer, les gabarits et les listes de débitage ». Un grand dessin est affiché sur un mur, une balustrade pour la collégiale. Nous retrouvons le tumulte en entrant dans l’atelier. Le bruit des outils et de la pierre résonne, tandis que trois tailleurs façonnent. Ils donnent la forme finale aux pièces, qui seront ensuite acheminées sur les chantiers, puis posées. Soudain, l’un d’eux s’arrête pour me saluer. Il s’agit de Claudy Delemer, ancien prothésiste dentaire reconverti. Je l’ai rencontré pour un article en novembre 2024. Derrière son masque, je devine le sourire, la joie d’exercer ce métier artisanal. À côté, son collègue me montre son travail du jour, un élément floral pour la façade de la gare de Strasbourg.
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12h00
L’heure du repas approche pour les équipes, qui démarrent leur journée vers 7h, pour la finir à 16h. Matthieu Loeffler décide de me montrer des éléments historiques, qu’ils vont devoir remplacer, comme une gargouille. Il me conduit ensuite dans une nouvelle pièce. L’antre du sculpteur. Des ébauches de statuts, inédites et destinées à une église du 19e siècle, y trônent.
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13h00
Sur le chemin du parking, le responsable ajoute que Scherberich œuvre sur une dizaine de chantiers en même temps. Certains durent des années. C’est le cas de celui de la collégiale Saint-Martin : 6 ans, pour un coût de 4,5 millions d’euros. « On a aussi l’église Notre-Dame à Guebwiller ou la gare de Strasbourg. Ça permet d’envisager l’avenir sereinement », affirme-t-il. Et la plupart des pierres sont locales, à l’image du grès rose, typique de la région. « En Alsace, on est bien lotis. En plus, les Alsaciens sont attachés à la préservation de leurs bâtiments, du patrimoine », me confie-t-il. Nous nous quittons sur ces mots. Nos monuments historiques sont entre de bonnes mains pour durer des siècles encore.
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Le chiffre
25 : C’est le nombre de personnes travaillant actuellement à Scherberich Monuments Historiques.