mardi 1 avril 2025
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Roger Siffer – Alsacien en or

77 ans cette année et toujours présent, presque un record, le Roi Roger, tignasse et barbe toujours fournies, ne quitte pas sa scène de la Choucrouterie et celles d’Alsace qui accueillent la revue satirique dans les deux langues, la 30e, Cette année est spéciale pour lui, car il va recevoir un Bretzel d’or, la plus haute distinction pour un Alsacien. Étrangement, il n’avait jamais été récompensé (voir Pour la petite histoire ci-contre). Même s’il n’avait pas besoin de cela pour que son nom soit définitivement associé à l’histoire de la région, l’anomalie sera réparée avec la remise d’un Bretzel d’or spécial, juste après la représentation du 30 mars.

Bonjour Roger, vous allez enfin recevoir un Bretzel d’or, cela a mis du temps, mais il y a une explication !

Oui en effet, figurez-vous que je suis l’un des fondateurs des Bretzels d’or. C’est Germain Muller qui m’a forcé la main avec un argument imparable, il fallait descendre la moyenne d’âge. En 1976, j’avais 28 ans. Les statuts disaient que les membres de l’association ne pouvaient pas être « bretzelisés ». Ce qui fait que Germain Muller n’a jamais eu de Bretzel d’or. Et moi non plus. D’un côté je ne suis pas du genre à courir après les décorations. Donc, quand ils m’ont proposé cela pour cette année, ça m’a vraiment fait chier.

C’est pas de la fausse modestie, non ?

Non, je le dirai lors de la remise le 30 mars, je ne prends pas ce Bretzel d’or pour moi, mais pour toutes celles et ceux qui, depuis quarante ans, font tenir ce Théâtre de la Choucrouterie, et tout ce que cela a supposé comme difficultés.

Vous êtes indissociable de ce lieu, de ce théâtre, de ce mot même, Choucrouterie, c’est une histoire dingue ?

Oui. Ce n’est pas toujours pratique parce que, même si je ne fais plus grand-chose, le public ne veut pas concevoir que je ne sois pas sur scène. J’entends les gens dire « on vient tant que Siffer est vivant » (rires). Cela ne me pose pas plus de problèmes que ça, mais il faut vraiment que je sois là pour montrer que je tiens la boutique.

Le Barabli. / ©Dr
Avez-vous des souvenirs des premières années des Bretzels d’or ?

Lorsqu’il y avait un doute entre deux personnes, pour les départager, Germain disait que le plus jeune avait encore le temps. À l’époque, c’était pas tout à fait comme aujourd’hui, chacun avait son domaine, donc moi j’étais responsable de la section chanson et cabaret, ce qui fait que j’ai donné des bretzels à des gens comme René Egles, mais il y avait aussi la grande bretzel pour laquelle nous étions tous sollicités. En général, c’est Germain qui faisait le plus de propositions, et moi, pendant plus de deux ans, j’ai proposé un certain Tomi Ungerer, je le connaissais bien, on habitait à 50 m l’un de l’autre, rue Jean-Jacques Rousseau. Germain disait non, celui-là, il nous foutra la merde. Mais après cela ils sont devenus les meilleurs amis du monde. Et pour reparler de Tomi, il était toujours prêt à nous donner des coups de main, il était d’une générosité inimaginable, pendant très longtemps, il a fait les affiches de la Choucrouterie sans nous demander un sou.

Ça vous fait quoi de recevoir cette récompense ?

Je n’oublierai jamais la chanson de Germain qui disait « à cause des médailles, on n’est plus rien du tout », c’était au moment où il a reçu la Légion d’honneur. Il a fini la chanson avec un bras d’honneur, mais il l’a quand même acceptée, tout comme j’accepte comme un con ce putain de Bretzel d’or (rires).

« Je ne prends pas ce bretzel d’or pour moi »

Sans faire de bras d’honneur ?

Non, puisque ce n’est pas pour moi, comme je l’ai dit, mais pour tous ceux qui ont fait vivre la Choucrouterie.

C’est une fierté ?

Non, ce n’est pas de la fierté. On peut dire que ce sont des accidents de l’histoire si vous voulez. Les débuts sur scène où je chantais des comptines, mon premier disque… La scène avec Germain, quelque chose de nouveau s’est passé, mais ce sont des accidents.

Mais ce lieu que vous avez créé il a y plus de quarante ans, cette Choucrouterie, ce n’est pas un accident ?

Sous la torture, je ne pourrais pas vous donner la date d’anniversaire de ma femme ou de mes enfants, mais je sais que le 2 mai 1984, c’était l’ouverture de la Chouc’.

Vous parlez toujours beaucoup de Germain qui était un père spirituel pour vous.

Oui, sans lui, je ne serais peut-être pas là. Il y a eu le Barabli, je faisais un numéro solo devant le rideau, il m’a forcé à écrire une chanson « Anne Marie » qui est devenue un tube. J’utilise encore la musique pour une chanson sur Frédéric Bierry, ou je dis que le président de la CeA apprend l’alsacien pour réussir à sortir du Grand Est…

J’ai l’impression que vous avez un petit peu de mal à parler vraiment de vous. Finalement, on ne sait pas qui est réellement Roger Siffer…

Moi non plus (rires). Ce n’est pas très important.

Roger Siffer a commencé par la chanson. / ©Dr
Si, je trouve que c’est très important.

Alors c’est très intéressant parce que moi aussi je parle de Roger Siffer, je ne parle pas de moi, mais je parle de Roger Siffer. Je parle d’une idée, d’une figure, d’un personnage que j’essaye de rendre le plus honnête possible. Ma femme Suzanne me répète souvent cette phrase qui est pour moi terrible : « C’est incroyable le degré de sympathie que tu as chez les gens ». Mais ce n’est pas moi, c’est Roger Siffer, le personnage qui possède une honnêteté, une droiture, qui n’a jamais failli. Moi j’ai les défauts de tout le monde, ce n’est pas intéressant, c’est le personnage qui est intéressant.

Qu’est-ce qui vous reste de votre enfance ?

Je ne sais pas, mais j’ai eu une assez belle enfance, avec un père plutôt sévère, une mère qui chantait tout le temps et à qui j’ai soumis toutes mes premières chansons. Je n’ai pas de bons souvenirs d’école, parce que je suis de cette génération qui a été punie pour avoir parlé alsacien dans la cour. Je me souviens surtout que je me battais beaucoup, intellectuellement. On était une famille plutôt modeste et je voulais absolument réussir. D’une certaine façon j’ai réussi, par accident, mais j’ai fait ce que je voulais faire, et je suis fier de ne pas avoir trop mal fait.

Pour la petite histoire

Lors du centenaire de la naissance de Germain Muller en 2023, le nouveau comité des Bretzels d’or a honoré ceux du Barabli qui n’avaient pas reçu de Bretzels d’or (à l’époque les créateurs n’avaient pas de droit d’être distingués et Germain ne voulait pas que les membres du Barabli le soient). Entre-temps Dinah Faust, Jean-Pierre Schlagg ou Christian Hahn l’avaient reçu, comme un certain Siffer, mais pas Cathy Bernecker ou Dédé Flick. La soirée a eu lieu et l’on s’est rendu compte que le Siffer qui avait eu un Bretzel d’or n’était pas Roger, mais son frère ; le comité, à son grand désarroi, avait donc raté Roger. D’où l’idée du Bretzel spécial remis dans quelques heures au patron de la Choucrouterie.

La revue 2025

Avant de partir en tournée, la 30e revue de la Chouc, qui remporte un grand succès, termine son année à Strasbourg jusqu’au 30 mars avec Roger Siffer, Sébastien Bizzotto, Magalie Ehlinger, Arthur Gander, Marie Hattermann, Bénédicte Keck, Susanne Mayer, Nathalie Muller, Guy Riss et Jean-Pierre Schlagg. Trois pianistes jouent en alternance : Jean-René Mourot, Thomas Valentin, Sébastien Valle. IA de la joie est mise en scène par Céline D’Aboukir, chorégraphié par Charlotte Dambach. Au programme : Jeanne Barseghian, Catherine Trautmann, Patrick Hetzel au gouvernement, l’ancien et défunt maire de Colmar Gilbert Meyer qui descend à chaque revue de ses nuages, l’IA, Paul Watson, des castors qui font barrage, le marché de Noël, les moustiques, le Racing, les relations conflictuelles entre piétons/cyclistes/voitures/trottinettes. La revue française démarre à 20 h 45 et l’alsacienne à 20 h 30. Durée : deux heures. Tarifs : 28,50 € à 6 €. Réservations au 03.88.36.07.28 ; courriel : billetterie@theatredelachouc.com

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