jeudi 26 décembre 2024
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Charline Rollet – L’humain sinon rien

Elle a pris ses fonctions en avril dernier et bouillonne déjà d’idées ! Avec audace et bienveillance, la nouvelle directrice de l’AFPA (agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) de Colmar compte bien embarquer ses équipes vers un changement historique… Direction le Village des Solutions, un tiers-lieu de l’insertion sociale et professionnelle qui a pour ambition de concourir au développement économique et à la cohésion sociale du territoire, en appui des politiques publiques. De quoi regrouper une plus grande diversité d’acteurs qui, ensemble, sécuriseront le parcours des personnes éloignées de l’emploi : seniors et chômeurs de longue durée, mais aussi les plus jeunes, puisque l’AFPA est un CFA. En 2023, 1651 demandes de formations ont été enregistrées. Et 77,4% des stagiaires ont accédé à l’emploi au second semestre 2024. Pour augmenter ces chiffres, Charline Rollet mise sur un management horizontal en diffusant sa joie de vivre contagieuse dans un milieu quelque peu épineux. Rencontre avec cette philanthrope que certains surnomment Socrate !

Racontez-nous votre parcours.

J’ai été éducatrice spécialisée dans des zones de non-droit. Réfugiés politiques, anciens prisonniers, enfants violentés et violés… j’étais en contact de public en difficulté. J’ai ensuite rejoint un chantier d’insertion à Colmar. À 30 ans, j’ai posé un congé parental après avoir eu Antonin, mon premier garçon, et j’en ai profité pour reprendre des cours à distance. J’ai fait une licence à Sciences Po, un DU en éthique et pratique professionnelle à la faculté de Strasbourg puis un Master en Éthique au Centre Européen d’Études Éthique. Je suis sortie major de promo 2 fois. Entre-temps, j’ai eu mon deuxième fils, Oscar. Et je suis restée à la maison avec mes garçons pendant 5 ans. La journée je m’occupais d’eux, et la nuit je bossais mes cours. C’était génial !

C’est plutôt atypique !

Oui, il n’y a pas vraiment de fil conducteur dans mes différentes formations… à part l’humain ! J’ai ensuite rejoint le réseau APA (association d’aide à domicile), où j’ai monté le Pôle Projets, un organe stratégique qui traitait notamment de la qualité de vie au travail et de projets de transformation centrés sur l’humain et les méthodes de travail. Mais comme j’ai toujours eu besoin de changement, j’ai fini par créer mon auto-entreprise de communication et management éthique : Shaker Consult. Je faisais des audits et des missions plus ou moins longues où j’encourageais les dirigeants à comprendre que leur richesse, c’était le capital humain. À côté de ça, j’ai repris des cours d’anglais et agrémenté ma formation d’un MBA en ressources humaines digitales, que j’ai obtenu avec la mention excellence (soit 20/20).

Comment êtes-vous arrivée à l’AFPA de Colmar ?

J’ai postulé à l’offre d’emploi sur LinkedIn, une semaine après avoir suivi la conférence de Gabrielle Halpern qui s’est intéressée au mythe du centaure et à la transformation sociale dans les tiers lieux. Dans cette offre, on parlait beaucoup de valeurs humaines. C’est ce qui m’a interpellé, car je n’ai jamais eu l’ambition de devenir directrice d’une aussi grosse structure ! J’ai passé plusieurs entretiens, notamment avec Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe de l’Afpa, et Steve Jecko, directeur régional de l’Afpa Grand Est. Deux personnes inspirantes qui ont su me mettre en phase avec ce projet de transformation qu’est le Village des Solutions de Colmar.

Que représente ce Village des Solutions ?

L’AFPA transforme ses centres de formation en tiers-lieu de l’insertion sociale et professionnelle. C’est une structure en mouvement permanent, qui réunit stagiaires, formateurs et partenaires, répartis sur 5 piliers : l’accès à la santé, le logement, la parentalité, l’inclusion numérique et la mobilité. L’idée, c’est de mieux servir les territoires, les personnes les plus éloignées de l’emploi et les entreprises.

Quels sont vos partenaires dans ces différentes thématiques ?

Dans l’inclusion numérique, on a La Manne qui dispense des ateliers, du lundi au vendredi, pour réapprendre à se servir d’un ordinateur, à créer son CV, etc. Côté santé, la CPAM remettra prochainement en place ses bilans de santé gratuits pour nos stagiaires. Reste à trouver au moins un partenaire dans les autres piliers pour pouvoir labelliser notre tiers-lieu par le réseau AFPA d’ici la fin de l’année.

Ça vous paraît jouable ?

Bien sûr, on va y arriver ! Je suis constamment dans l’action, j’aime le concret dans les projets de transformation. Mais je reste aussi attentive à la conduite de changement. Je veille à soigner l’être humain, à prendre le temps de lui expliquer les choses pour qu’il puisse incarner ce changement. Quand je suis arrivée à l’AFPA de Colmar, j’ai voulu rencontrer tout le monde : chaque stagiaire, chaque formateur. C’est primordial pour donner confiance et embarquer le collectif. La personne en face de moi aura toujours plus à m’apprendre que ce que j’ai à lui donner. Ce n’est pas l’ambition professionnelle qui me porte, c’est le lien à l’autre. L’altérité.

En France, aucune AFPA ne se ressemble. Comment voyez-vous le Village des Solutions de Colmar ?

J’aimerais lui donner une tonalité culturelle. À l’époque, avec la Comédie de l’Est, j’ai fait du théâtre dans les prisons. C’était incroyable ! Mais là encore, j’ai à cœur de trouver la dynamique avec toute l’équipe. Avec du respect, de l’écoute et de la bienveillance, l’intelligence collective offre un fabuleux terrain de jeu.

Dans quels secteurs forme l’ADFA de Colmar ?

L’AFPA de Colmar est le pôle de référence nationale aux métiers du bâtiment. Génie climatique, menuiserie, encadrement de chantier… On propose de nombreuses formations allant du niveau 3 (CAP/ BEP) au niveau 5 (BTS/DUT). Mais on forme aussi aux métiers de l’industrie (métallier, tuyauteur…), du tertiaire (hôtellerie-restauration-tourisme), de services (assistanat de vie aux familles) et réglementaires (habilitations électriques, échafaudages, hygiène alimentaire…). Nos formateurs sont géniaux, et je dis ça avec beaucoup d’objectivité !

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Acquérir cette vertu qu’est la patience, car j’aimerais déjà y être, à ce Village des Solutions (rires) ! Plus sérieusement, je nous souhaite encore plus de lien.
J’ai vraiment envie de m’investir dans cette AFPA car, pour la première fois en 43 ans, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma maison professionnelle. Celle qui m’accueille les bras ouverts, avec toutes mes valeurs.

Salomé Dollinger

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