lundi 13 janvier 2025
AccueilCHRONIQUESLes rencontres enchantées de Leïla MartinManuela Gross - l’humour avec un grand A

Manuela Gross – l’humour avec un grand A

Prof de bonne humeur sur scène à ses heures perdues, Manuela Gross est humoriste dans la vraie vie avec ses élèves en collège SEGPA. À moins que ce ne soit l’inverse ! L’artiste a fait de l’humour sa mission de vie, offrant une véritable bouffée de bienveillance et de générosité à tous ceux qui croisent son chemin.

Il y a des rencontres qui changent une vie, qui marquent par leur sincérité et leur éclat. Manuela en est une pour moi. Nous nous sommes croisées pour la première fois il y a sept ans sur le plateau de la matinale de France 3 Alsace. Moi, pour parler cuisine, elle pour incarner son personnage déjanté : Antoinette de Knackwiller. Ce jour-là, j’ai eu un véritable coup de foudre amical. Derrière les tresses blondes et l’accent alsacien à couper au couteau d’Antoinette, j’ai découvert une femme d’une gentillesse infinie, avec un cœur immense et une sincérité désarmante.

Une passion révélée sur les bancs du collège

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Manuela a toujours aimé faire rire. Enfant, elle reprenait les chansons d’Annie Cordy pour distraire sa famille et ne perdait jamais une occasion de faire le pitre. Mais son véritable début sur scène remonte à son année de 5 au collège de Villé. Sa professeure de français, Madame Chamley, n’en avait sans doute pas conscience, mais elle a fait naître chez Manuela une véritable vocation en lui confiant le rôle de Toinette dans Le Malade imaginaire.

Il y a une syllabe qui sépare Toinette d’Antoinette et une bonne quinzaine d’années durant lesquelles Manuela peaufinera son art de faire rire. Jeune adulte, elle rejoint la troupe de théâtre alsacien de Neuve-Église où elle jouera en dialecte pendant dix ans. En 2003, elle se lance pour la première fois en solo avec l’écriture de son premier spectacle, Folle Journée, l’histoire d’une célibataire délurée en quête de l’âme sœur. Sa première représentation à la MJC de Villé marque le début de sa carrière d’humoriste.

Antoinette de Knackwiller : un personnage culte

C’est en 2006 qu’elle fait naître Antoinette, le personnage haut en couleur, qui la fera connaître au public alsacien. Inspirée par des figures comme les Vamps ou Marlyse Riegenstiehl de Patricia Weller, Antoinette est l’employée municipale de Knackwiller, un village imaginaire, incarnant l’Alsace avec un humour piquant et décalé. Elle régale le public avec son accent assumé, son allure improbable – des collants orange et une robe démodée qu’elle prétend avoir empruntée à Yvette Horner-, sa naïveté déconcertante. Pendant des années, elle sillonne la région avec les spectacles Antoinette et son Zuper show, Antoinette de Knackwiller et Antoinette et son maire. Chacune de ces représentations se termine par les ovations d’un public conquis. Il faut dire que l’employée municipale instaure un lien de complicité unique avec ses spectateurs. Elle les interpelle, les fait monter sur scène et les embarque dans un univers aux confins de l’absurde où il fait bon séjourner. Un petit tour à Knackwiller avec Antoinette et on était refait ! Son spectacle agissait comme un antidote parfait contre le stress et les tracas du quotidien, une perfusion de bonne humeur qui coulait dans les veines longtemps encore une fois le rideau tombé.

D’Antoinette à Manuela, l’humour sans masque

Antoinette était adorée. Mais qu’en était-il de Manuela ? Réfugiée derrière la caricature de son personnage, s’autorisait-elle vraiment à exister ? En 2021, Manuela décide de faire tomber le masque- ou plutôt les tresses- pour investir la scène sans artifice. Comme Roger Siffer à la Choucrouterie et Jean-Luc Falbriand au Kafteur l’ont fait avant lui, Laurent Arnoult contribue à son évolution artistique en lui offrant de nouvelles opportunités. Il la programme régulièrement pour des passages courts de dix, vingt ou trente minutes lors de soirées stand-up avec plusieurs artistes. Une transition qu’elle embrasse pleinement avec son spectacle Une bonne heure avec moi. Manuela s’y livre sans détour, abordant des sujets intimes et universels : sa vie de couple, la politique, son quotidien d’enseignante, sa dernière visite chez le gynécologue ou encore le fait de n’avoir pas eu d’enfant… jusqu’à présent : « Je laisse toujours la porte ouverte, je ne suis pas encore ménopausée »,
plaisante-t-elle sur scène. Une mise à nu sincère, à la fois drôle et émouvante.

Manuela n’a rien à envier à Antoinette. Elle sait créer une connexion immédiate et profonde avec son public. Son recours à l’autodérision et la tendresse omniprésente derrière ses vannes les plus cinglantes ont le don de charmer instantanément ses spectateurs. On a adoré Antoinette qui épuisait nos zygomatiques. On adule Manuela qui nous touche en plein cœur !

Manuela Gross, une artiste qui fait du bien

Aujourd’hui, Manuela Gross envisage de tirer sa révérence.
« Peut-être suis-je arrivée au bout de ma thérapie », confie-t-elle. Pour elle, la scène a été un exercice cathartique, une exploration intérieure qui a le mérite « de ne pas lui avoir coûté grand-chose durant toutes ces années ». Mais, ce que Manuela ne mesure sans doute pas, c’est que son public vit lui aussi quelque chose de très réparateur. En se racontant sans filtre et en toute authenticité, Manuela nous invite à plus d’indulgence, de positivité et de légèreté. Elle devrait être remboursée par la Sécurité sociale, me suis-je souvent dit en sortant de ses spectacles. D’ailleurs ce n’est pas seulement l’artiste qui mériterait d’être sponsorisée par la Sécu, mais aussi la femme. Elle donne sans compter, que ce soit sur scène, dans sa vie personnelle ou même à travers des gestes concrets, comme le don régulier de sang et de plaquettes.

En fan inconditionnelle, je suis peinée à l’idée de voir Manuela mettre fin à sa carrière. Pas pour moi, car j’ai la chance de l’avoir dans ma vie. Mais pour son public. Pour tous ceux qu’elle fait rire, console, encourage. Pour tous ceux qu’elle laissera orphelins d’un humour qui ne se contente pas de divertir, mais qui soigne. Ceci dit, quoi qu’elle décide, Manuela ne cessera jamais de faire du bien. Chez elle, l’humour s’écrit avec un grand A et l’Amour avec un grand H. Ces deux forces se rejoignent et se nourrissent mutuellement, révélant la profondeur et la sincérité d’une personnalité lumineuse.

Alors une chose est sûre, peu importe ses choix futurs, Manuela Gross continuera, à sa manière, d’embellir le monde.

L’info en plus

Quelques rendez-vous à venir : le 18 janvier au Casino de Bâle avec Cyrielle Knepfel, le 23 janvier soirée Stand-up à l’Espace Malraux à Geispolsheim et le 23 février plateau stand up aux Savons d’Hélène à Strasbourg.

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