mercredi 26 février 2025
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Benjamin Huin-Morales – Sur le terrain de l’humanisme et de l’espérance

Décrire Zimmerbach c’est lire un guide touristique : À l’entrée de la vallée de Munster et plus particulièrement du Val Saint-Grégoire, le village s’est construit autour du ruisseau du même nom. Celui-ci se déverse dans la Fecht. Entouré de vignes et de forêt, il est niché dans un petit vallon typique, avec des maisons à colombages bordant la Grand’rue. Zimmerbach se situe sur la route des vins d’Alsace. On pourrait ajouter que depuis 2021, son maire est le plus jeune du Haut-Rhin. À 29 ans, Benjamin Huin a succédé à Jacques Muller. Celui qui a grandi ici est multidiplômé, aujourd’hui inspecteur des finances, mais surtout très engagé pour sa commune. Entretien, dans son petit bureau de la mairie, entre la Déclaration des droits de l’homme et un portrait du Général de Gaulle.

Quelles sont les images de votre enfance ?

Beaucoup de bonheur. Du football, des copains, la famille. Zimmerbach. De l’amour et de l’exigence, aussi. J’ai toujours été entouré de bosseurs qui aimaient leur travail et aimaient être au service des autres.

Vous étiez quel genre de petit garçon ?

Un garçon qui aimait jouer au football dans les rues du village avec ses copains. J’aimais déjà lire : d’abord les bandes dessinées comme Tintin, Astérix, les Tuniques Bleues ou Yakari. Je les découvrais au bibliobus à Zimmerbach. J’ai ensuite découvert les romans policiers, surtout Sherlock Holmes. Et puis, il y a eu la saga Harry Potter. J’ai été touché par l’un des principaux messages diffusés dans Harry Potter : on définit un être humain par ce qu’il fait, pas par ce qu’il est. J’ai retrouvé cela plus tard dans mes études, notamment de philosophie anglaise : la réalité, c’est d’abord l’expérience et l’action.

L’action, oui, mais vous êtes pourtant quelqu’un de très cérébral ?

Oui, c’est peut-être paradoxal, mais je pense que l’on n’agit pas bien si on ne prend pas le temps de réfléchir, de discuter avec les gens, de lire, de s’informer, de voyager. Surtout moi qui suis jeune et qui ai tout à apprendre !

Le mot football est revenu deux fois en deux questions, alors parlons-en. Vous rêviez de devenir footballeur professionnel ?

Oui, je rêvais de jouer au Racing Club de Strasbourg, en équipe de France, et à Barcelone, car j’ai des origines catalanes. J’ai fait sport-étude au collège Pfeffel et j’ai évolué comme arrière gauche pendant un peu moins de 10 ans au SR Colmar et un an au FC Mulhouse. J’étais un joueur très combatif, assez agressif, j’aimais tout « donner » sur le terrain. Il y a beaucoup de choses que j’ai apprises sur le terrain de foot. Notamment que l’on n’a rien sans effort, qu’il faut se préparer pour réussir les choses, que rien n’est jamais fini. Cela me sert beaucoup. Et je joue encore au foot, en D2, à Turckheim.

Ce qui vous permet de rester au contact des gens !

En fait, je n’ai pas besoin d’être au contact des gens, « je suis » les gens, je n’ai pas besoin de me poser la question de savoir comment rester connecté à la réalité.

Un mot sur l’engagement public.

J’ai toujours su que je voulais servir mon village, ma région et mon pays. J’ai un amour profond pour Zimmerbach, l’Alsace et la France. J’aime être avec les gens. Ça me fait toujours quelque chose quand je vois le blason de mon village, le drapeau alsacien et le drapeau tricolore sur la mairie.

C’est pour ça que vous avez fait l’ENA ?

Oui. C’était ma façon à moi de me préparer à servir mon pays, tout simplement. Bon, il se trouve que je n’étais pas très doué au foot et que j’étais un peu moins mauvais pour les études (rires). J’ai commencé par un parcours littéraire en prépa, à l’école normale supérieure puis à l’université de Californie à Berkeley. Faire de la recherche m’a passionné. J’ai aimé les lettres, la philo. Mais il me manquait quelque chose : l’action concrète au service du pays.

En 2020, vous êtes premier adjoint à Zimmerbach. Le maire démissionne en 2021 pour raisons de santé, et vous lui succédez. Qu’est-ce qui a forgé vos convictions ?

Plusieurs événements, positifs ou négatifs, ont forgé mes convictions. J’avais 10 ans quand Jean-Marie Le Pen a accédé au second tour, j’avais autour de moi, notamment au football, des gens de toutes les couleurs. Le discours de rejet de l’autre était insupportable, car, encore une fois, je ne vois les êtres humains que par ce qu’ils font. Un an avant, il y a eu le World Trade Center, cela m’insupporte que l’on attaque notre liberté et notre mode de vie, comme plus tard, avec le Bataclan ou Charlie. Et puis, les émeutes de 2005 m’ont beaucoup marqué, j’ai vu pour la première fois la société française exploser de violence. Aujourd’hui, elle est complètement fracturée. Enfin, je vivais aux États-Unis pendant la première élection de Trump.

Alors j’imagine que cela ne vous plaît pas beaucoup quand on vote Rassemblement National dans votre village ?

Je respecte le vote de chacun. Surtout, je comprends certaines des causes qui poussent les gens à voter pour le RN. Oui, il y a trop de désordre et on peut avoir l’impression que le pays n’est pas tenu. Oui, on a trop abandonné les gens dans les campagnes, dans les villages, et je me bats à mon échelle pour que cela change. Mais les réponses proposées par le RN ne sont pas les bonnes. Elles affaibliraient la France et diviseraient les Français.

Il y a autre chose qui m’a beaucoup marqué : la fermeture des usines Matussière et Forest à Turckheim, j’ai vu les parents de certains amis être licenciés. J’ai une conviction profonde : notre pays ne peut avancer que sur deux jambes, l’industrie et l’agriculture. Ce sont les deux piliers de la France. Or ils ont été abandonnés. La plupart des problèmes de notre pays viennent de là.

En 2021, lorsque vous êtes devenu maire, vous avez déclaré « Je veux rendre à ce village tout ce qu’il m’a donné ». Où en êtes-vous ?

Ça, c’est une bonne question (rire). Je pense que l’on est sur la bonne voie, on a amélioré le service public, on a avancé sur les questions écologiques, on a beaucoup fait pour les seniors ou la jeunesse. Je crois que nous sommes une équipe très proche des gens, je connais tous les habitants, ils ont tous ou presque mon numéro de téléphone et chacun sait que je suis toujours disponible. Je sens que l’on fait vivre le village, je me nourris de ça. Mon cap, c’est faire de Zimmerbach le village du bien vivre ensemble tout au long de la vie.

Que pensez-vous de l’état du monde, de l’élection de Trump ?

Je suis absolument fasciné par l’innovation et les nouvelles technologies, mais je suis inquiet d’observer que certains placent l’être l’humain au service de la technologie et du pouvoir aveugle des chiffres ou des algorithmes. Au contraire, les nouvelles technologies doivent être au service de l’homme. Ce qui m’inquiète aussi, c’est l’effondrement de la conscience humaniste. Je suis profondément enraciné dans ma terre, et cette terre est empreinte d’humanisme rhénan.

Par ailleurs, ce que Musk et Trump d’un côté, Poutine et Xi Jinping de l’autre nous rappellent, c’est que l’on ne doit pas abandonner l’idée de puissance. Il faut qu’en France et en Europe, on sorte de notre sommeil géostratégique et que l’on retrouve une fermeté pour défendre nos intérêts. Je ne suis pas naïf, le modèle franco-européen n’est pas exempt de reproches. Je regarde notre histoire en face, il y a des ombres et il y a de la lumière. Mais je suis convaincu que notre modèle est le seul qui permet de construire un monde durable, vivable et acceptable pour tous.

Qu’attendez-vous pour 2027 ?

Qu’un homme ou une femme s’avance devant les Français avec un récit et une politique d’espérance pour la France. Espérer pour la France, c’est le titre du livre d’Hubert Germain, l’un des derniers Compagnons de la Libération. Je trouve ça très beau de remettre l’espoir au centre de la cité.

Mais que mettre derrière ce mot ?

Des mesures très fortes, très puissantes. Cela ne veut pas dire que le reste n’est pas important, mais il y a, tout en maîtrisant les comptes publics, cinq priorités à régler avant tout. L’éducation, la sécurité et la maîtrise de l’immigration, la valorisation du travail, l’environnement, et la santé.

Pour finir cet entretien, un mot sur le 150e anniversaire de la naissance d’Albert Schweitzer. Pourquoi son message reste aussi important ?

Parce qu’il revient à l’humanisme, au soin à l’autre. C’est cette même idée d’espérance. Il faut espérer le meilleur et agir pour qu’il advienne.

Le chiffre

75 : Le bus de la ligne G qui dessert Zimmerbach depuis Colmar toutes les heures, et pour lequel le maire s’est beaucoup engagé, a multiplié par 75 la fréquentation des transports en commun, ce qui est bon pour le pouvoir d’achat, la mobilité des jeunes et des plus anciens, et excellent pour l’environnement.

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