mercredi 16 octobre 2024
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Y’a pas que le fric dans le foot m’a dit Jacques Glassmann

Notre chroniqueur Ambroise Perrin nous propose pour cette rentrée une série qu'il intitule « Ce jour-là (en Alsace !) j'étais là... ». Chaque semaine une intrépide plongée littéraire dans des textes qui jalonnent l'identité de notre région. Cela commence toujours par une date précise pour raconter, avec un peu de dérision, une petite histoire. La littérature ayant le privilège de ne pas vérifier si tout est vrai, il reste l'essentiel, amuser les lecteurs de Maxi Flash.

Le 21 juin 1970 il y avait foot à la télé, mais on n’avait pas la télé. Jacques, mon petit frère, c’est moi qui lui ai donné envie de jouer au football, parce qu’entre frangins, on s’aimait bien. Lui, il était plutôt handball et natation. C’était à Bourtzwiller, dans la banlieue de Mulhouse. Ce dimanche-là on est allé chez notre grand-mère pour la télé, on voulait voir un western et on a vu Pelé, la finale de la Coupe du monde de football. C’est l’oncle Roger qui choisissait le programme. Tiens, le foot ? À Mulhouse, au FC, il y avait un goal sympa, André Rey, quand il dégageait, il tirait très très haut, ça nous plaisait beaucoup. Et Jacques est alors entré chez les cadets. Puis en 1976, Jean-Marie Blum l’a repéré et lui a fait signer un contrat pour le centre de formation de Strasbourg, on ne le voyait plus beaucoup à la maison, et il a commencé à gagner « plus de fric » que le père. Un dimanche, il est venu déjeuner avec Gilbert Gress, on ne savait pas qui c’était, c’était son entraîneur.

Ensuite Jacques a « grimpé » dans les grades, il disait tout le temps, j’ai envie «des Huns», en fait D1, et il a changé d’entraîneur pour Raymond Domenech puis Arsène Wenger, il changeait aussi souvent de ville. Il s’est marié, il a eu une petite fille, Audrey, il voulait absolument qu’elle dise « je suis alsacienne » quand ils sont allés habiter à Valenciennes. Il est devenu très connu parce qu’il était vraiment très bon, une star internationale, défenseur central. Même notre mère regardait maintenant les matchs à la télé. Jacques aimait le foot pour un truc simple, l’amitié. Et avec les amis, il faut être honnête car c’est plus beau que de gagner beaucoup d’argent. Quand Bernard Tapie lui a proposé de jouer lentement pour perdre un match, il a refusé, juste comme cela, sans vraiment réfléchir. Mais cela lui a causé énormément d’ennuis, les supporters de Marseille voulaient lui faire la peau parce qu’il avait parlé à un juge, il avait des policiers qui le protégeaient.

Ça s’est terminé avec Tapie en prison et Jacques qui est parti le plus loin possible, à l’île de la Réunion, au club de Sainte-Rose. On a dit qu’il avait été très courageux de dénoncer la triche. J’ai vraiment admiré mon petit frère, comme beaucoup de monde, par exemple, le chanteur Jean-Jacques Goldman qui lui a écrit pour le consoler parce qu’il se faisait insulter. Et puis la FIFA lui a donné le prix international du fair-play, on a encadré le diplôme dans la cuisine, à Bourtzwiller.

Foot et moi, la paix. Jacques Glassmann, 2003, Calman-Lévy

Ambroise Perrin

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