vendredi 18 octobre 2024
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Jean-Luc Freudenreich – Viticulteur-artiste des possibles

Vigneron, magicien, musicien, ami des stars, mais qui est vraiment Jean-Luc Freudenreich ? Rencontre avec un homme aux multiples vies qui a la passion en héritage.

Jean-Luc Freudenreich, vous êtes un peu l’homme aux multiples vies. Comment peut-on finalement vous présenter ?

Vaste question… Je dirais comme un homme passionné, déjà. La magie « de proximité », j’en fais depuis 40 ans. Le « close up » est sans doute d’ailleurs l’art magique le plus fascinant et difficile qui soit, parce qu’il se déroule à une distance très rapprochée, à chaque table où vous passez, vous avez des attentes très différentes. Tout se déroule juste sous les yeux des gens, et vous ne pouvez pas vous rater. La vigne, c’est très différent : c’est ma première vie, celle héritée de mes parents. La Maison Freudenreich, ce ne sont pas moins de 360 ans d’histoire. J’en représente la 13e génération, mon fils Julien-Arthur, la quatorzième. Une histoire qui se transmet depuis tout ce temps de père en fils, même si je serais ravi que cela se fasse un jour de père en fille. Parce que, oui, on ne le dit pas assez souvent, nous avons en Alsace d’excellentes vigneronnes qui n’ont rien à envier aux hommes. Quant à la guitare, je ne la pratique qu’en amateur même si je me défends un peu aussi.

Suffisamment pour avoir joué avec des artistes comme Stéphane Eicher ou Deep Purple…

C’est vrai, mais cela est davantage dû à des rencontres qui ont émaillé une vie plurielle. Dans le cas de Deep Purple, c’est le vin et la magie qui nous ont réunis à la Foire aux Vins de Colmar.

Un jour, lors d’une dégustation, Roger Glover, le bassiste du groupe me demande ce que sont ces cartes à jouer qu’il voit devant moi. Je lui explique que ce sont des cartes de magie, lui fais part de ma passion, lui présente deux-trois tours. Puis, au cours de nos échanges, un autre se noue, cette fois avec Steve Morse, son guitariste. On parle guitare. Il me demande si je sais en jouer. Je lui explique que le seul morceau que je maîtrise à peu près est Smoke on the Water, l’une de leurs compositions.
Et, là, le gars dit au manager du groupe que, ce soir, ils ne joueront pas à la Foire tant que je ne les rejoindrai pas sur scène. Franchement, j’ai cru que le groupe plaisantait, mais non. Le soir, pendant que j’attendais dans la salle de concert, le régisseur m’appelle, me fait signe de monter. J’étais presque sous le choc. Ils étaient très sérieux. Le chanteur, Ian Gillan, et le guitariste me filent une guitare et je me retrouve à jouer avec Deep Purple devant 10.000 personnes. Stéphane Eicher, lui, c’était un peu pareil, quand j’ai joué Déjeuner en Paix, lors de l’ouverture d’un petit Hall. Mais, franchement, je n’ai rien d’une rock star.

Jean-Luc Freudenreich et son fils Julien-Arthur . / ©jlf
N’empêche, vous êtes désormais un peu connu sur la Foire comme « le » showman de l’événement.

(Il sourit). Disons que c’est quelque chose qui s’est construit au fil des ans, et il y en a eu des années. Imaginez, j’ai fêté l’an dernier ma cinquantième participation ! Au début de ce cycle, l’ambiance n’était vraiment pas la même qu’aujourd’hui. L’artisanat, qui était originellement la vocation du Hall 6, n’était pas très festif. Mais entre horloges, matelas, armoires, j’ai tenté de faire venir des gens, par l’animation musicale, la magie. Au départ, l’affaire n’était pas gagnée. Mon idée d’injecter un esprit plus convivial dans ce lieu était un peu mal vu par la direction de la Foire, ses statuts interdisant de sonoriser les stands. Mais, depuis 15 ans, c’est entré dans les mœurs et le hall 6 s’est transformé en lieu de fête incontournable.

Est-ce durant cette période, aussi, que des liens se sont créés avec certains artistes pour lesquels vous aviez une réelle admiration, comme le magicien Gérard Majax ?

J’ai commencé la magie en 1979 avec Bernard Voinson, dit Bosco, un ami magicien avec lequel j’exerce encore. Majax, je l’ai rencontré sur la Foire, lors d’animation de stands. J’étais tout jeune à l’époque. La magie m’attirait au plus haut point, mais j’avais encore tout à apprendre. Quand Majax est venu sur la Foire, j’ai sympathisé avec son assistant. Il m’a montré deux trois tours pendant dix jours. De mon côté, je les travaillais presque frénétiquement. Le gars a vu que je m’accrochais, que mon travail produisait des résultats et Majax a fini par m’inviter sur plusieurs de ses émissions. Cela s’appelait Y’a un truc, à l’époque. C’est comme ça que les choses se sont déroulées : Majax m’a donné ma chance. Et d’année en année, la télévision a continué à m’accompagner dans d’autres aventures, jusqu’au Tour de France où je fais encore une apparition cette année.

Au point d’en délaisser le vin ?

Oh que non ! Ce me serait impossible. Peu importe mes passions, j’ai toujours privilégié la viticulture. C’est mon socle, que j’ai d’ailleurs transmis à mon fils. Parfois, bien sûr, les deux peuvent se rejoindre comme lorsque j’ai été amené à faire disparaître une personne dans un tonneau avant de la faire réapparaître 20 secondes plus tard au milieu du public, pour les 100 ans de l’AVA, l’Association des viticulteurs d’Alsace. Mais la magie de la viticulture, fruit de près de quatre siècles d’histoire familiale, passera toujours en premier.

Cet héritage, comment votre fils Julien-Arthur le vit, justement ? Avec la pression d’un lourd héritage familial, avec la même passion que vous ?

Il m’est difficile de parler à sa place, mais je crois que, comme pour moi, la question de la « pression familiale » ne l’a jamais obsédé. Avec Julien, les choses se font naturellement depuis des années, on fait tout ensemble, il voit ma façon de travailler la vigne, de vinifier dans la cave. Et s’il veut progressivement changer des choses ou les garder, c’est son droit le plus absolu. Comme moi, Julien est un amoureux de cette terre, de ses arômes, de sa magie. Vraiment, je suis content d’avoir trouvé cette harmonie avec lui.

Propos recueillis et rédigés par Christophe Nonnenmacher

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