jeudi 21 novembre 2024
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Colmar – Les trois vies de la réalisatrice Dominique Eloudy-Lenys

Documentariste engagée, Dominique Eloudy-Lenys est l’une de ces autodidactes aux multiples vies. De la radio à la télévision, de Supernana à Field ou Ardisson, cette Colmarienne d’adoption sublime la narration et l’intelligence collective. Avec, très souvent, le rapport de la société à la femme comme point d’ancrage.

Dominique Eloudy-Lenys : après 14 ans passés au sein de NRJ où elle rejoint les directions des grandes villes alsaciennes, c’est à Paris qu’elle poursuit sa carrière avant de raccrocher les micros, suite à un désaccord avec sa hiérarchie. Direction Ibiza, rencontre avec Supernana, une animatrice vedette des années 1980, qui avait fait ses débuts à Carbonne 14 dans l’emblématique émission « Poubelle Night ».

« Field dans ta chambre »

« Tu devrais contacter Michel Field. Il monte une télé sur le web ! ». « C’est comme ça que ma seconde vie a débuté ». La vie d’Alatele.com est de courte durée, mais suffisante pour créer des liens professionnels et amicaux avec Field, avec lequel elle réfléchit au prochain coup. Certificat d’études audiovisuelles à La Sorbonne en poche, « Paris Première nous accueille pour ‘‘Field dans ta chambre’’, dont j’assurais désormais la production ». Puis Pink TV et la mise en place de trois émissions pour les débuts : « Le Set », « Le Débat » et « Le je/nous de Claire » (Chazal, ndlr). Départ ensuite pour ADL TV « où je co-produis des émissions de divertissement, dont des bêtisiers pour France 3, ou d’autres sujets pour Ardisson, sur Canal Jimmy ».

Le documentaire – sa troisième vie – Dominique n’y est venue qu’ensuite, après avoir revu une vieille connaissance colmarienne, qu’elle finira par épouser. Elle rêvait d’écrire des 52 minutes, lui était un passionné de Bartholdi. Lors de leurs discussions, deux points revenaient : l’appartenance à la franc-maçonnerie et l’attachement à l’Alsace du sculpteur. En dépit de son manque d’expérience, la chaîne Histoire lui donne sa chance. La presse salue son travail, et de nouveaux projets s’enchaînent : « Elles chantaient entre deux guerres », hommage à Fréhel, Damia, Nitta-Jo, Berthe Silva, Suzy Solidor ou Edith Piaf.
Qui es-tu Marianne ? en 2017, figure de combat, « érigée symboliquement lors des rassemblements populaires qui ont suivi les attentats de 2015 ». Jean Cocteau : les constellations du prince (2018), un titre qui sonne comme un écho à un homme qui « était au centre d’une galaxie de gens passionnants et étranges ». D’Apollinaire à Proust en passant par Satie, Chanel, Colette, Piaf, amitiés, amours, opium, religion, ésotérisme, la galaxie éblouit.

« Sorcières », l’avant-première. / ©document remis

2020 est l’année où sort La tragique histoire du Bazar de la charité : « une commande de TF1 à l’occasion de la sortie de la série éponyme avec Audrey Fleurot ». Y sont notamment abordées les causes réelles de l’accident, l’attitude des aristocrates incapables de sauver autrui quand, des cuisiniers aux cochets, les classes populaires risquaient leurs vies pour sauver les dames cernées de feu. 125 morts, dont 118 femmes, parmi lesquelles Sophie-Charlotte, duchesse d’Alençon, sœur de l’impératrice Sissi. A ce jour encore, l’incendie le plus meurtrier de la ville de Paris.

Sorcières, le premier féminicide de l’Histoire

2021, L’abolition, le combat capital revient sur la fin de la peine de mort, avec Robert Badinter. Même année, Joséphine Baker, un destin français est conçu à la hâte à l’occasion de la panthéonisation de celle qui fut tout à la fois artiste, espionne, résistante, militante antiraciste et féministe. Récompense d’un travail acharné : la validation d’un vieux projet Sorcières, le premier féminicide de l’Histoire, qui s’intéresse à ces femmes et à leur « retour fulgurant au sein des mouvements féministes contemporains ». Un point loin d’être anodin tant elles s’opposent à un patriarcat vocifère dont les condamnées ne défendaient que leurs terres, leur art de guérir, ou leur intégrité sexuelle.

« Depuis notre échange d’hier soir, j’y repense, me confie Dominique. Hormis Bartholdi, Cocteau, voire Badinter, c’est vrai que les femmes sont au cœur de mon travail ». D’ailleurs, son prochain documentaire y sera encore consacré, au travers de la figure d’Olympe de Gouges : le portrait d’une femme, là encore, bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Christophe Nonnenmacher

La diffusion de son prochain documentaire, consacré à Olympe de Gouges en tournage cet automne, est attendue pour mars.

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