dimanche 24 novembre 2024
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Camille Broucke – Le patrimoine pour boussole

Elle a traversé la France pour prendre la direction du musée Unterlinden, suite au départ en retraite de Pantxika De Paepe. Originaire du nord de la France, après avoir occupé des postes en Auvergne, puis en Loire-Atlantique, elle a posé ses valises à Colmar depuis septembre. Camille Broucke est enthousiaste sur sa nouvelle mission. Elle possède une vision claire et ambitieuse : ancrer le musée au cœur des enjeux de la société actuelle et toucher un public le plus large possible.

Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

J’ai exercé pendant dix ans à Nantes, en tant que cheffe du service Conservation et conservatrice chargée des collections médiévales du musée Dobrée. Avant cela, j’ai occupé le poste de conservatrice responsable du département des collections au Centre national du costume et de la scène à Moulins. Dans le cadre de ma formation, j’ai effectué un stage au Metropolitan Museum à New York ainsi qu’au musée de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg.

Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers un métier lié à l’art ?

J’ai été attirée surtout par un métier lié au patrimoine. J’ai toujours aimé l’histoire. J’ai beaucoup fréquenté le patrimoine ancien avec mes parents, plus que les musées. J’avais besoin de concret, d’incarner l’histoire au-delà des archives.

Vous vous souvenez de la première fois où vous avez ressenti une émotion face à une œuvre d’art ou architecturale ?

C’était l’abbaye Notre-Dame de Sénanque, un monastère cistercien, dans le Vaucluse. Je devais avoir 12 ou 13 ans. Le monument était incroyable tout comme le guide qui nous avait fait visiter. Il était à la fois érudit et accessible, impliquant pour le public et plein d’humour. C’était un très bon médiateur.

C’est important d’instaurer cette médiation entre une œuvre et un public ?

Oui c’est la mission même d’un musée. Elle est double : préserver les collections et se positionner comme un lieu de rencontre entre les œuvres et les visiteurs. Un musée ne trouve son sens que par cette rencontre.

Une exposition en trois volets, consacrée à la peinture germanique de 1370 à 1550, aura lieu à partir du 4 mai prochain. Ici : Martin Schongauer, Retable d’Orlier, 1470-1475 / ©Musée Unterlinden, Colmar / photo : Christian Kempf
Comment faire pour que cette rencontre fonctionne ?

Considérant les enjeux de la société actuelle, je suis persuadée qu’il y a deux axes forts à travailler : s’adresser aux visiteurs d’aujourd’hui en partant de ce qu’ils sont pour les amener à la découverte de référentiels plus anciens. Il est aussi important d’appréhender le musée comme une forme de refuge, de sanctuaire. Dans un monde hyper connecté, il s’agit d’un lieu où on peut faire une pause, un lieu où on est accepté tel qu’on est, sans jugement.

La sensibilité à l’art, ça s’apprend ?

Le but est que tout le monde soit sensible. Mais un musée, ce n’est pas une école, c’est un lieu où on accompagne la découverte, où on peut transmettre des compétences. Dans notre société saturée d’images, on manque parfois de clés pour les comprendre. Un musée permet d’apprendre à regarder et à comprendre comment une image fonctionne. Ces questions sont intéressantes à explorer.

Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir dans votre métier ?

J’aime beaucoup être en présence des objets, avoir un accès quotidien à cette matérialité de l’histoire. J’apprécie aussi de voir la connexion entre les objets, les œuvres et le public.
Quand on parvient à établir cette connexion, c’est assez magique, cela donne du sens à ce qu’on fait.

Comment avez-vous atterri ici à Colmar ?

Après dix ans à mon poste au musée Dobrée à Nantes, j’avais envie d’évoluer, de prendre une direction de musée. Donc quand j’ai vu l’annonce pour le musée Unterlinden, j’ai tout de suite postulé. J’avais visité ce musée en 2015, après sa réouverture. J’avais gardé un souvenir précis des œuvres.

Depuis le mois de septembre, avez-vous eu le temps de découvrir l’Alsace ?

Je continue à découvrir la région encore aujourd’hui. Je n’ai plus la mer à proximité, mais j’aime les montagnes et la dynamique transfrontalière. C’est une région très riche en patrimoine et dans laquelle j’ai été bien accueillie.

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement au musée Unterlinden ?

J’apprécie la diversité des collections, le fort ancrage territorial et la diversité des lieux.
On peut déambuler entre le cloître, la partie médiévale, contemporaine, la piscine… et passer d’une atmosphère à l’autre. Et puis j’ai trouvé une équipe très compétente et motivée.

Quelle est votre feuille de route des prochaines années pour le musée ?

L’enjeu est d’inscrire le musée dans notre société, de le positionner sur les enjeux sociétaux, environnementaux, citoyens. L’objectif est de légitimer son existence et de toucher le plus large public possible. C’est un cadre d’action certes très large, mais je pourrai détailler mon projet une fois qu’il sera validé par les administrateurs, car nous sommes un musée associatif, géré par la Société Schongauer et soutenu par la Ville de Colmar.


 

L’info en plus

Le musée Unterlinden propose une visite nocturne à la lampe torche. La première visite a eu lieu le 31 octobre 2023 et une autre en janvier dernier. Plongés dans l’obscurité et le silence, accompagnés par une médiatrice et équipés d’une lampe torche, les petits groupes qui ont eu la chance de participer à cette expérience ont été conquis. Ce parcours insolite un peu théâtralisé passe en revue l’ensemble des collections et se termine devant le Retable bien sûr ! La prochaine visite de ce type est organisée en automne prochain. « Cette offre ponctuelle rencontre un grand succès. C’est une idée de l’équipe que j’ai simplement validée », admet Camille Broucke.

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