jeudi 26 décembre 2024
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Jacques Serillon – Le gardien de la source

Lorsqu’il étudie l’art et l’industrie à Strasbourg, Jacques Serillon tombe amoureux de l’Alsace. En 1998, après avoir sillonné la France, il trouve refuge aux Sources de Soultzmatt, qu’il codirige pendant 2 ans avant d’en être le seul capitaine. La société d’économie mixte (SEM) est détenue à 51% par la commune et 43% par Rivella, le fabricant suisse de boissons à base de lactosérum. Le reste du capital est réparti entre plusieurs banques. Les Sources de Soultzmatt c’est quelque 30 millions de bouteilles par an, dont les eaux Nessel et Lisbeth. 1969 est l’année de la diversification, avec le lancement des limonades Liness, rejoint par l’Elsass Cola en 2004 puis, 9 ans plus tard, par T’Glacé et Pom’ de Lisbeth. Autant de références disponibles aujourd’hui en verre consigné, car le directeur général des Sources de Soultzmatt est aussi altruiste qu’engagé.

Racontez-nous votre parcours.

Je suis originaire de Crest, dans la Drôme. Après une prépa à Grenoble, j’ai passé mon diplôme d’ingénieur à l’INSA de Strasbourg puis j’ai fait un DESS d’aptitude à l’administration des entreprises à Aix-en-Provence. Avec mon épouse, qui est d’Angers, on a eu un véritable coup de cœur pour l’Alsace depuis nos années étudiantes. Il y avait un esprit local qu’on ne trouvait nulle part ailleurs : ici, quand on dit quelque chose, on s’y tient ! Alors, on a décidé de poser nos valises. En décembre 1998, je rejoignais les Sources de Soulztmatt.

Et depuis, ses eaux coulent dans vos veines…

Oui. J’ai tout de suite été captivé par cette entreprise chargée d’histoires. En 1272, la Source Nessel fut découverte. Gorgée en bicarbonate de sodium, elle donna son nom au village : « Soultz » pour « saltz » (le sel) et « matt » (le pré) donc « le pré salé ». Au XVIIe siècle, l’eau minérale Nessel était plébiscitée pour ses vertus digestives. Et depuis, les Sources de Soultzmatt sont indubitablement liées au territoire et à l’inconscient collectif. Les 45 salariés sont bien plus que de simples travailleurs ; ils se battent pour protéger une source qui nous est donnée par la nature.

L’entreprise les Sources de Soultzmatt emploie 45 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 15 millions d’euros. En 2022, la marque Lisbeth a fêté ses 100 ans. / ©Documents remis
Quel genre de management en découle ?

Un management moderne basé sur la confiance et l’autonomie. Je déteste cette citation qui dit que « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Si on commence à contrôler, c’est qu’on ne fait pas confiance. Je suis pour l’intelligence collective, pour laisser de l’espace à l’initiative. C’est déjà arrivé que deux de nos salariés switchent leur poste pour tester de nouvelles choses. On travaille beaucoup sur l’envie. Il en découle forcément plus d’efficacité, d’implication, et moins de turnover ; en moyenne, on tourne autour de 15 ans d’ancienneté.

Vous vous laissez facilement porté par vos équipes ?

Oui, complètement. La direction sert à donner la… direction, pas à diriger. Les commerciaux m’ont par exemple ouvert les yeux sur les capsules de notre gamme « un air de famille », composée de 5 références, dont Miss Tonic. Toutes sont estampillées d’un minuscule logo. Au départ, j’avais peur qu’on s’épuise pour pas grand-chose. Mais mon équipe m’a convaincu de leur praticité pour le réseau CHR : comme les restaurateurs stockent les bouteilles debout dans des tiroirs réfrigérés, ils seraient capables de les identifier rapidement grâce aux capsules. J’avoue que c’est bien pensé !

C’est donc l’humain le moteur des Sources de Soultzmatt ?

Évidemment ! Imaginez le nombre de personnes qui ont travaillé et amélioré tout ça en 150 ans… Je pense notamment à un homme incroyable qui a commencé comme commercial pour finir chef des ventes. Il est resté 40 ans avant de prendre sa retraite, il y a de ça un petit moment. Mais on parle encore de lui aujourd’hui ! Ce sont ces femmes et ces hommes qui font monter notre culture d’entreprise. Chaque année, ce qu’on veut, c’est être là dans 200 ans… on vise l’éternité !

Le respect de l’environnement est une autre valeur fondamentale de l’entreprise. Quels en sont les grands axes ?

En 2013, on a réalisé un audit pour déterminer quelle était la façon la plus optimale d’économiser de l’énergie. On a d’abord réduit les rinçages (10 000 m3 économisés par an) et installé 308 panneaux photovoltaïques. Puis on a investi 3,4 millions d’euros dans plusieurs machines, dont une pour l’embouteillage – qui nous fait économiser 60% d’électricité – et une pour le lavage : une super belle bécane qui nous a permis d’augmenter notre capacité de production en verre consigné. Car la consigne, c’est l’avenir ! Pour les bouteilles en plastique, on a misé sur du RPET (un matériau plastique issu du recyclage de bouteilles et emballages). Hélas, en France, on est très en retard sur le recyclage du PET. Je crois qu’il représente 56% contre plus de 90% en Allemagne et en Suisse…

Les nouvelles gammes Un Air de Famille & Elsass Cola et Elsass Cola Zéro, disponibles en verre consigné. / ©Documents remis
Et comment encourager les Alsaciens à trier davantage ?

On voit trop petit, il faut élargir le champ de possibles. Je compare toujours ça à un match de foot qu’on regarde depuis un stade. Souvent, on reste focus sur un corner alors que quand on lève les yeux, on en voit deux, puis le vélodrome tout entier, les 50 000 supporters et enfin le ciel… On se sent alors comme des Mickey ! Celles et ceux qui travaillent aux Sources de Soultzmatt savent prendre de la hauteur pour devenir acteurs du changement. Notre utopie, c’est d’être 100% neutre en carbone.

Vous êtes marathonien. Intégrez-vous certaines valeurs sportives au management d’entreprise ?

Je cours effectivement le marathon solidaire de Colmar au nom des Sources de Soultzmatt. J’ai fait mon premier semi-marathon à 19 ans et je suis très vite devenu adepte de trail. J’ai notamment fait la Diagonale des Fous à la Réunion, qui s’étend sur 170 km avec 10 000 mètres de dénivelé. J’aime la difficulté, car il y a toujours ce passage à vide où on sent que c’est dur, mais qu’il ne faut rien lâcher, car ça va passer. Quand, on ne sait jamais, mais à partir du moment où le mental est là, le corps suit. Cet état de fusion, où les 5 sens sont en effervescence avec la nature environnante, me transperce toujours. C’est dans la difficulté qu’on apprend la résilience, la ténacité et l’humilité. Et quand je regarde les Sources de Soultzmatt, je vois le reflet de mes propres valeurs. C’est pour ça que je suis toujours là, 26 ans après…

Salomé Dollinger

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