mardi 3 décembre 2024
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Rodolphe Burger – Éloge de la diversité

Rodolphe Burger fait partie de ces personnes qui, sans crier gare, vous happent un jour et traversent votre vie avec une musicalité rare. De Kat Onoma en passant par son militantisme politique pour le vivre ensemble, les parcours se croisent quelques années plus tard, sur Paris, pour parler, cette fois, droits d’auteur au niveau européen avant de re-bifurquer sur le Festival « C’est dans la Vallée », où se produisent en presque intimité les plus grands, retrouvés pour certains sur son Label Bande à Part. Éloge du Transport, empreint de textes, d’images et de musicalité, abonde encore cet héritage, ainsi que d’autres rencontres nomades, littéraires, humaines. Inclassable, Burger l’est en partie, lui qui en toute discrétion séduit au-delà des points cardinaux et des scènes rock, littéraires, cinématographiques. Rencontre avec le nouvel Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres, en attendant Avalanche, le 8 novembre et ses prochains concerts.

Ces deux dernières années ont été plutôt riches en projets. Tourmentées par la perte de proches, dont Rachid Taha, mais également par moult rencontres qui vous rendent un peu plus inclassable encore que vous l’êtes depuis l’aventure Kat Onoma ?

L’album Mademoiselle, il est vrai, a été réalisé avec Sofiane Saidi et Mehdi Haddab en hommage à Rachid Taha, qui a compté pour beaucoup d’entre nous. Mademoiselle, tout en allant de l’avant, approfondit les choses et, je crois, m’a ramené au rock des années Kat Onoma, au niveau de l’énergie. C’est quelque chose que j’ai notamment perçu lorsque nous avons joué à Oran, Tlemcen, Annaba, Alger et Constantine. En dépit de relations diplomatiques franco-algériennes, disons compliquées, nous avons reçu un accueil extraordinaire de la part du public, qui a ressenti la proposition artistique de cet album en plein cœur. Avec Mademoiselle, nous avons construit quelque chose d’inattendu : partager la voix était quelque chose de nouveau, sans rentrer dans un chœur, une alternance. Tout s’est placé, trouvé très naturellement, sans effet d’orchestre. Chaque musicien se devait d’être à 100%, tout le monde était devant. Cela m’a vraiment donné envie d’y retourner pour poursuivre ce travail avec Sofiane.

Concert hommage à Rachid. / ©BenPi
Autre proche disparu, Pierre Alferi, avec lequel vous étiez ami et collaborateur.

Nous avions en effet très vite collaboré avec Pierre. Dès les débuts de Kat Onoma, où il exerçait comme parolier, sous le nom de Thomas Lago. Puis il m’a sollicité pour proposer différemment la philosophie, en live, avec les cinépoèmes, des textes pour l’écran qui proposent des modes d’apparition et de lecture en lien étroit avec la musique. Pierre mettait sa poésie au service de la cinématographie, moi j’intervenais comme musicien live. Par son approche, Avalanche, qui sortira le 8 novembre, peut sonner comme une forme d’hommage.

Cet album est aussi le fruit d’un travail avec Christophe Calpini et Blaise Caillet…

Oui. Je suis très heureux de l’avoir fait avec eux. Christophe, je l’avais rencontré via Alain Bashung. Avec Blaise Caillet, je trouvais leur base instrumentale inspirante, comme sur le morceau inattendu, d’un point de vue dramaturgique et de celui de la position de la voix.
Lenz III s’inscrit dans une continuité, presque une ritournelle. En bleu adorable est un travail plus lancinant, à plusieurs voix, en plusieurs langues. A Dean Martin, qui clôture l’album est encore quelque chose de différent. Cette reprise de la chanson de Fabio Concato parue en 1983 est presque une sucrerie, dédiée à Pierre, pour le plaisir de chanter en italien.

Avec les Sonneblumme. / ©BenPi
Autre incontournable, comment ne pas parler de votre collaboration avec les Sonneblumme dont on pressent un album au printemps prochain…

Quelle expérience incroyable que d’avoir croisé ces gars à l’Institut médico-social Les Tournesols de Sainte-Marie-Aux-Mines. Ce n’était, pour ma part, pas ma première expérience. J’avais par le passé déjà travaillé avec Madeleine Louarn et des comédiens jugés « différents », de l’atelier Catalyse de Morlaix. La rencontre avait alors été instantanée. Dès que j’ai lancé un premier accord de guitare, ils se sont retournés et m’ont adressé quelque chose d’incroyable. C’était très émouvant. Je les voyais danser et ils étaient comme électrisés, dans un rapport extrêmement intense à ma musique. C’est quelque chose que j’ai souvent pu vérifier dans mes concerts.
À chaque fois qu’il y a ce qu’on appelle des « handicapés mentaux », je suis frappé par l’intensité de leur écoute et de leur présence. Ils ont une disponibilité à la musique totale et sans aucun filtre. Et quand je suis venu voir les Sonneblumme avec Bertrand Belin, il y avait ce gars, Dominique, qui s’était mis à faire l’horloge parlante sur scène.
Lui, c’est le genre de personnage qui peut vous réciter la liste de toutes les sous-préfectures de France. C’est digne d’une performance d’art contemporain. De là je leur ai proposé une résidence de 10 jours, suivie d’un concert secret lors du dernier festival C’est dans la Vallée, avec rendez-vous à 14h sur le parking du Super U, ça a été un moment magnifique, avec Dominique qui s’adressait au public du supermarché entre chaque morceau. S’en est suivi le Palais de Tokyo et ce projet, j’espère effectivement, pour le printemps prochain, continuer cette belle aventure autour d’un album.

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