lundi 25 novembre 2024
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De drôles de têtes, à Colmar ?

Cet automne, je suis allée passer quelques jours à Valence
Après un été pas vraiment reposant, j’avais grand besoin de me vider la tête. Ou du moins de me changer les idées. Alors, zou, sur un coup de tête, me voilà partie vers le sud ! Un petit tour en TGV – vive la ligne Strasbourg-Marseille ! – et je me retrouve dans la Drôme, en train de squatter sur le canapé-lit d’une amie. (Évidemment, j’avais pris soin de demander à Catherine l’autorisation de débarquer chez elle, même s’il s’agit d’une adorable et accueillante femme de tête que je n’ai jamais, jamais vue faire la tête, pour quelque raison que ce soit.)
Quel rapport avec l’Alsace ?

J’y viens, ne vous inquiétez pas. Car le lendemain, alors que j’arpente, nez en l’air, sourire aux lèvres, en compagnie de mon hôtesse les très jolies rues de la vieille ville, je tombe soudain en arrêt. Face-à-face, si j’ose dire, avec… une Maison des Têtes ! Oui, messieurs-dames ! À Valence ! Dans la Drôme ! C’est un fleuron de l’architecture du début du XVIe siècle. Doté d’une façade pleine de visages. On m’explique gentiment que ceux-ci symbolisent les vents, la fortune, le temps, la théologie, le droit, la médecine… et qu’ils sont sculptés… dans la molasse.
Je me gratte la tête tout en tâchant de ne pas trop grimacer. La molasse, mais qu’est-ce que cela peut bien être que cette horreur ? Renseignement pris, c’est une jolie pierre en grains fins très fragile – un peu comme le grès des Vosges, finalement, le rose en moins – qui se cache sous ce nom vraiment pas glamour.

Mais soudain, voilà que la tête me tourne un peu : une autre façade est venue, toute seule, se superposer à cette image ! Je ne suis plus Grand’Rue, à Valence, mais rue des Têtes, à Colmar ! À l’ombre de la statue du Tonnelier alsacien signée Bartholdi ! Non loin de moi, une enseigne de charcutier se découpant aussi finement sur le ciel qu’une véritable dentelle…

Serais-je tombée dans un mini trou de ver spatial ?

Je la connais bien, la rue des Têtes, à Colmar : j’ai un gros faible pour la façade de la maison qui lui a donné son nom. J’ai encore en tête le souvenir de la première fois que je l’ai arpentée. Je m’étais alors demandé si la liste des voies de la commune comptait aussi un chemin des mains ou un sentier des pieds, histoire de filer la métaphore anatomique. J’avais même poussé la curiosité jusqu’à vérifier, dans l’index de mon plan.
Rien du tout : les seuls pieds que j’y avais trouvés étaient ceux du bataillon de chasseurs ( des chasseurs à pieds, donc, faut suivre ! ). La rue des Iris, quant à elle, était bien trop proche de la rue des Nénuphars et de la rue des Anémones pour être dédiée aux membranes circulaires et colorées de la face antérieure du globe oculaire. Mon dernier espoir, le chemin de la Speck fut finalement écarté aussi, mes modestes connaissances de la langue alsacienne m’ayant férocement rappelé que le mot est définitivement masculin.

« Il faudra que tu viennes voir les 106 de Colmar »

C’est ce que, une fois rendue au présent, j’affirme à mon amie. « Les 106 quoi, mon chat ? » me répond-elle, un peu déconcertée. Je lui parle alors des têtes, évidemment, puisque, quand même, y en a 106 sur notre maison à nous. J’ajoute que certaines sont vraiment tout à fait étonnantes. « Tu ne prendrais pas la grosse tête, toi ? » fait-elle en se marrant un peu sous cape.
Pas le moins du monde. J’étale quand même un peu ma science en lui apprenant que le bâtiment a été construit en 1609, pour le compte d’un riche marchand protestant qui aimait bien les mascarons. « Moi aussi, j’aime bien », précise Catherine, l’air gourmand. Mais non, pas les macarons ! Les mascarons ! Ce sont des représentations de figures humaines plus ou moins grotesques ! Ils avaient à l’origine pour noble destination d’éloigner les mauvais esprits de la demeure qu’ils ornaient.

On a alors la même idée, toutes les deux

Enchantées par ces histoires insolites, on se dit qu’il y en a peut-être d’autres, des maisons des têtes ! Cette idée ne nous sortant plus de la tête, on dégaine nos smartphones pour vérifier. Youpi ! Braillons-nous à tue-tête. Rien qu’en France, on peut en voir au moins trois autres ! À Béziers ! À Viviers ! À Metz !
On a évidemment programmé ça, bille en tête.

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