Quelle est la genèse de Yaka dansé ?
Je rentrais d’une date avec RafT dans un Orlybus. J’étais assoupi quand une ambulance nous a dépassés. Je me suis mis à fredonner le son de la sirène. En rentrant chez moi, j’ai commencé à travailler l’intro, le refrain… Ce qui me tenait à cœur, c’était la musicalité des mots. Avec Pierre, la langue française nous a toujours paru trop littéraire et pas assez musicale. C’est pour ça qu’on a toujours chanté en anglais avant « Yaka Dansé ». Les couplets de cette chanson mêlent politique, racisme et colonialisme tandis que le refrain questionne sur des faits mystiques : « Dieu est mort, Dieu est noir ». C’est assez cocasse d’ailleurs, car ce sont les phrases que les gens chantent le plus ! Yaka Dansé appelle à l’unité, avec des messages d’amour véhiculés par la danse. Ça me fait penser à Pina Bausch qui disait « dansez, sinon nous sommes perdus ».
35 ans plus tard, vous sortez Mes Alsaces, à l’histoire complexe et tourmentée…
J’ai mis du temps à écrire cette chanson, car l’Alsace est une région à l’histoire douloureuse dont ma famille a été témoin. La musique a aussi été difficile à mettre au point. C’est un mélange entre une valse mexicaine, avec une touche folk apportée par l’accordéon cajun, et ce rythme Umpapa. J’étais un peu déçu que les radios locales – hormis France Bleu et Top Music – n’aient pas vraiment joué le jeu à l’époque. Finalement cette chanson s’est plus épanouie ailleurs que sur ma terre d’origine… je l’ai même chanté sur une chaîne de télévision rennaise, dans l’émission 123 Dansez.
Mais vous aimez profondément l’Alsace ?
Oui, et je l’aime davantage en vieillissant. Je suis toujours enjoué de la quitter pour partir en tournée, mais j’ai aussi ce besoin viscéral de la retrouver. J’aime sa richesse culturelle et linguistique, ses paysages… Pour moi il manque une seule chose, c’est la mer ! En vérité, je me sens plus strasbourgeois qu’alsacien. J’ai toujours habité près de la cathédrale, qui ne ressemble à aucune autre ; mon épouse est passionnée par les églises, et elle est d’accord avec moi sur ce point ! La cathédrale de Strasbourg est un repère des plus rassurants.
Mais en lisant La cloche de 10 heures, Radiographie d’une humeur de Nicole-Lise Bernheim (éd. Nuée Bleue), j’ai aussi découvert son côté effrayant. Cette cloche de la nuit aurait été créée au Moyen-Âge pour inviter les juifs à quitter la ville. L’auteure étant issue d’une famille juive, elle avait visiblement des comptes à régler avec son Alsace natale… C’est un récit implacable !
Pourquoi avoir gardé le nom « Christian de RafT » ?
Je ne suis pas RafT à moi tout seul. Christian Fougeron pour un spectacle, ça ne parle à personne… Alors j’ai fait un mélange de Christian et de RafT : ça a donné C2RafT.
Je me bats pour que ce nom soit sur les affiches des concerts, mais souvent il se transforme en « Christian de RafT ».
Le 22 juin, vous serez au Podium de l’Été « Y a qu’à danser » à Ensisheim. Vous êtes fier qu’il ait emprunté le nom de votre chanson ?
Oui, bien que l’orthographe ne soit pas exactement la même ! L’organisateur Pascal Daudey m’avait demandé l’autorisation en fin d’année dernière, après en avoir discuté avec le Maire d’Ensisheim. Je suis très heureux de faire cette scène aux côtés de Partenaire Particulier, Christiane Obydol (Zouk Machine), Les Avions et les L5. J’avais déjà joué à Ensisheim il y a 5 ou 6 ans et j’avais adoré l’ambiance ! Sur mes 30 dates, je ne passerai que deux fois en Alsace cette année : à Ensisheim et à la Foire Européenne de Strasbourg, le 7 septembre prochain.
Selon vous, les années 80 auront toujours leur place sur scène ?
Évidemment ! Ce sont des chansons à danser et à chanter, avec un côté léger et très positif. C’était peut-être la dernière décennie où on savait que le présent serait meilleur que le passé… Elles font toujours fureur dans les fêtes étudiantes et les mariages. Moi, dès les premiers rayons du soleil, je célèbre les années 80 sur scène jusqu’à l’automne !
À part la musique, qu’est-ce qui vous fait vibrer ?
Le tennis – j’y joue une à deux fois par semaine – et les séries télé. En ce moment, je regarde la saison 2 de Tokyo Vice sur Canal +. J’avoue que je préfère le format court des séries aux films qui durent une éternité… ça doit être l’âge !
Salomé Dollinger