jeudi 12 décembre 2024
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Christian Klinger – La culture de la discrétion

« Je suis du parti des gens qui aiment les gens », dit-il. Sénateur depuis 2020, il fut maire de Houssen et président des maires du Haut-Rhin. Le Colmarien, membre des Républicains, s’intéresse aux questions de finances et d’agriculture, mais cultive la modestie. Maxi Flash avait très envie de rencontrer « ce gentleman-farmer » comme le nomme Bernard Kuentz, le président des Bretzels d’or. L’occasion de parler de la politique française et de l’Alsace, des sujets qui ne cessent de le passionner.

Vous avez fait des études de comptabilité et de finance, la politique est entrée dans votre vie à quel moment ?

Lorsque j’étais étudiant au sein du FEC, le foyer de l’étudiant catholique, on discutait un peu de politique entre copains.

D’où vient cette phrase, « le parti des gens qui aiment les gens » ?

Je crois que c’est une phrase de François Bayrou que j’ai repris à mon compte, nous sommes les centristes, le parti des gens qui aiment les gens. C’est aussi ce qui m’a forgé dans mon enfance, mon éducation de paysans, des gens tournés vers les autres.

J’ai envie de vous demander ce qu’il a fait, ce parti, cette idée symbolique, finalement ?

Disons qu’il est utile, mais qu’il a été déchiré, il n’a pas réussi à trouver son chemin. Ces dernières années, Emmanuel Macron a essayé de fédérer le centre gauche et le centre droit, mais son corpus n’est pas le parti des gens qui aiment les gens.

Vous n’avez jamais cru en la politique d’Emmanuel Macron ?

Non, pas trop, je n’ai jamais accroché. Son idée était bonne, sincèrement, je n’ai d’ailleurs jamais mis de bâtons dans les roues à ceux qui croyaient en lui, mais il y avait peut-être un côté irrationnel dans la comète qui passe. J’ai peut-être une vision assez ancienne de la politique, il faut être enraciné pour savoir où l’on va, il faut du vécu, de l’expérience.

Quelqu’un comme vous, accroché à ses valeurs, dont ceux que j’ai interrogés pour préparer cet entretien apprécient votre droiture, qui a une double activité de sénateur et d’agriculteur, trouve encore sa place dans la société d’aujourd’hui ?

Oui, je le pense très fort, et je ne suis pas le seul. Lorsque je vois mes collègues sénateurs qui sont également ancrés dans leur territoire, ça me rassure, ça ravive la flamme, parce que parfois c’est vrai, on peut être découragé.
Alors, je ne vais pas dire que la société française se « trumpise », mais il y a quand même un peu de ça. Discuter, partager est aussi une façon de s’ouvrir aux autres ; on peut écouter, mais ça ne veut pas dire qu’on est obligé de changer d’avis. C’est clair qu’il faut mettre de l’eau dans son vin, et pour un vigneron, ça reste une image (rire).

En parlant d’image, quelle est la première image politique de votre vie ?

Au FEC, on avait invité Marcel Rudloff, il m’avait impressionné, j’étais jeune et il était président du Conseil régional d’Alsace, mais il y a surtout Adrien Zeller ; politiquement, je suis « Zelleriste », notre région a perdu énormément avec sa disparition. C’était un centriste, parfois subversif, mais il savait prendre des décisions, il allait contre vents et marées, c’est toujours un modèle.

Christian Klinger en action à Paris. / ©Documents remis
Avez-vous un souvenir précis d’Adrien Zeller ?

Oui, nous étions à Ramatuelle, près de Saint-Tropez, pour les universités d’été des jeunes sociaux-démocrates, il était venu avec nous et nous avions organisé une soirée alsacienne, avec des produits alsaciens, c’est moi qui avais fourni le vin.
Nous avions échangé à bâtons rompus sur des sujets divers et variés. Je pense que s’il avait encore été là, la région Grand Est se serait faite sans l’Alsace.

Sortir du Grand Est, justement c’est une évidence pour certains, ça va finir par se faire ?

C’est compliqué, on a quand même beaucoup de vents contraires. J’ai l’intime conviction que ça serait bénéfique pour l’Alsace d’avoir toutes les compétences et du département et de la région, avec un seul guichet pour toutes les problématiques. Un jour, ça se fera. Si je n’étais pas sénateur, ce serait mon premier combat.

Quel est-il, votre premier combat ?

Les finances publiques et le rétablissement des comptes publics, mais c’est parce que j’ai le travers d’être à la commission des finances.

Vous venez du monde de l’entreprise, cela fait la différence avec un autre qui n’a connu que des mandats politiques ?

Oui, la santé d’un pays, c’est comme la santé d’une entreprise, c’est comme la santé d’une famille, il faut y faire attention. Lorsque ça déborde d’un côté, on en paye toujours le prix. L’expérience joue lorsque l’on juge les décisions qui seront prises, quand on vote. Il est très important d’avoir travaillé dans le privé et d’avoir été élu localement.

Revenons sur vos débuts, votre intérêt pour la vie publique a commencé avant le foyer de l’étudiant catholique ?

Oui, un peu avant, j’étais président de la société d’Histoire à Houssen, j’aimais bien le football, je vivais au milieu des associations de mon village. En fait, pendant mon enfance, on ne parlait jamais de politique à la maison, c’est une vocation tardive. Mais j’ai toujours gardé un lien avec le monde agricole et viticole, c’est important pour moi, cela me permet d’avoir un ancrage et parfois de m’évader, je dois le dire, lorsque je laboure un champ, je suis content.

C’est votre thématique au sein de la commission des finances, vous êtes rapporteur spécial pour tout ce qui est agriculture, alimentation, forêt, et affaires rurales. Il en a été question bien sûr lors du projet de loi de finances…

Il y a un certain nombre de mesures dans le projet de loi de finances, oui, mais il y a aussi le projet de loi d’orientation agricole qui va arriver au mois de janvier. On devrait répondre à la majorité des attentes des agriculteurs qui ont été exprimés lors des dernières manifestations.

Au début de notre conversation, vous avez parlé de football, vous auriez pu être footballeur ?

Je ne sais pas… Pendant mon enfance, ce n’était pas évident. Je viens d’une famille très modeste, mes parents me demandaient souvent, comme à mes frères et sœurs, de travailler dehors, et c’est vrai que j’étais assez bon joueur de foot.

Le frère de mon parrain était dirigeant à Holtzwihr et voulait me recruter, alors il est allé voir mon père qui a répondu que le samedi je travaillais dans les champs et dans les vignes.

Êtes-vous un homme heureux ?

Oui. Je suis heureux de travailler au changement de notre pays, ou au moins d’essayer, c’est ça qui compte, essayer.

Vos réponses ont été assez courtes pendant cet entretien, vous n’êtes pas quelqu’un de bavard ?

Ce n’est pas dans ma culture, je n’aime pas trop le bavardage, même lors des discours, je suis toujours bref. Je vais à l’essentiel. Je préfère l’action, l’efficacité. Je ne suis pas vraiment un communicant, mais je m’y fais, en y ajoutant de l’humour et de la dérision.

Pour la petite histoire

En 1995, son père, à qui l’on avait proposé d’être sur une liste des municipales à Houssen (liste sur laquelle figurait aussi Éric Straumann), a décliné l’invitation par manque d’envie et de temps, mais il a proposé le nom de son fils pour le remplacer. La carrière politique de Christian Klinger a commencé ce jour-là.

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