D’où vient votre passion pour la cuisine ?
De mon enfance, j’ai toujours aimé manger (rire). Ensuite, j’aime faire plaisir. Mes parents cuisinaient pas mal, on avait un verger. Alors quand on faisait une réunion de famille le week-end, le repas était une étape importante. Et j’ai aussi fait un peu de pâtisserie avec mon grand-père, qui était boulanger-pâtissier. Au collège, j’ai fait un premier stage dans le restaurant à côté de chez mes parents. Et ça m’a plu, cette ambiance avec le coup de feu, le service, c’est intense. Il y a des aléas, des adaptations. Sans oublier le côté création.
Donc vous rêvez de faire ce métier depuis l’enfance ?
Franchement ? Oui. Je n’ai pas vraiment eu d’autres métiers en tête. Ou si, peut-être, comme guide de pêche. J’adore la nature, pêcher, mais un tel job, ça n’existe pas vraiment, donc ça aurait été un peu compliqué.
Cuisinier, c’est un métier avec un rythme assez dur, vous l’avez souligné. Vos proches n’ont pas essayé de vous dissuader ?
Non, au contraire, ils m’ont soutenu. Il y a eu de la retenue, des mises en garde sur les horaires et le rythme, intense en effet. Malgré tout, ils ont été derrière moi. J’ai pu évoluer, aller dans des maisons prestigieuses, prendre des responsabilités. Ça n’arrive pas à tout le monde, donc ils sont fiers d’avoir fait le bon choix. Ils sont toujours venus manger là où je travaillais et ils sont bien contents quand je leur fais de bons petits plats.
« On offre une expérience avec des goûts francs, une salle agréable et un service de qualité. Donc, ce prix récompense aussi un travail d’équipe. »
Donc la cuisine, c’est plus qu’un travail pour vous.
Exactement. Même quand je suis chez moi, j’adore faire à manger. Parfois, ce sont des choses simples, et d’autres fois en famille, je fais quelque chose de plus élaboré avec une bonne sauce. J’aime toujours autant cuisiner, et je ne suis pas près de m’en lasser.
Parlons de votre parcours. Vous avez fait toutes vos classes en Alsace ?
J’ai fait ma scolarité à Munster, puis après je suis allé faire mon apprentissage à Colmar. J’y ai fait un CAP et un brevet professionnel. Et pendant ces 4 années d’apprentissage, j’étais dans le restaurant où j’ai fait mon stage de collège, à côté de chez mes parents. Une super belle expérience, très formatrice. Il n’y avait que moi et le chef, qui était aussi le patron. Donc j’ai vraiment appris à tout faire. À 19 ans, je suis allé à La Cheneaudière. J’ai fait 7 ans là-bas. J’y ai évolué, de commis, demi-chef de partie, chef de partie, à second. En 2018, je suis parti dans le sud de la France, où j’ai fait des maisons étoilées. J’ai été pendant un an au Prieuré, à Villeneuve-Lès-Avignon. Après ça, je suis allé à L’Oustau de Baumanière, avec ses deux étoiles Michelin et le chef Glenn Viel. Lors de ma deuxième année, j’ai eu une chance immense : on a eu la troisième étoile. C’était un rythme soutenu, mais une expérience géniale. Ensuite, j’ai été recontacté par La Cheneaudière, ils voulaient que je revienne. Je n’étais pas tout à fait prêt, mais j’ai fini par accepter en 2021.
Vous étiez dans un établissement très prestigieux, alors pourquoi revenir ?
Déjà parce que c’était un retour aux sources, en Alsace. Il y avait du challenge aussi, de revenir dans une maison que j’ai appréciée et vue évoluer. J’étais également fier de prendre la suite de deux chefs, Roger et Daniel, qui m’ont appris une grande partie du métier. Et puis ça me tient à cœur de travailler dans ma région natale ! Quand on est alsacien, on est fier de l’être et on aime faire vivre les gens de la région. Donc je suis content d’exercer ici, de faire évoluer l’institution, de travailler les produits locaux avec des fournisseurs du coin. On s’approvisionne autant que possible chez de petits producteurs. Par exemple, les farines viennent de Sélestat. C’est important pour nous.
« J’aime toujours autant cuisiner, et je ne suis pas près de m’en lasser. »
En quoi c’est important ?
Parce que si nous on fait du bon boulot, c’est parce qu’on a de bons produits. Eux, s’ils arrivent à faire de bons produits, c’est parce que des gens comme nous les achètent et les valorisent. De nos jours, si on a du lait et de la crème d’Alsace, pourquoi les faire venir de Normandie ?
Cette volonté de local se retrouve dans votre identité culinaire, pour laquelle vous avez été récompensé, par Gault&Millau.
Oui, j’ai eu le prix « Grand de demain » 2024. Pour moi, il récompense le travail, et le ressenti des clients. Venir dans un restaurant d’une certaine gamme comme le nôtre, ça a un coût, donc on a des attentes. Si c’est à la hauteur, on passe un bon moment. On offre une expérience avec des goûts francs, une salle agréable et un service de qualité. Donc, ce prix récompense aussi un travail d’équipe.
Qu’est-ce que ça vous a fait de gagner une telle distinction ?
J’étais super content, notamment parce que ce n’est pas un concours. J’en ai fait plusieurs, par exemple celui de la choucroute. Mais ce sont des formats où on s’inscrit, on s’entraîne. Tandis que la récompense Gault&Millau, elle sort un peu de nulle part et récompense le travail du quotidien. C’est un encouragement à aller plus loin, une petite victoire pour tout ce qu’on a déjà fait, sachant que depuis 1 an environ, on tend vers un restaurant gastronomique avec un vrai standing. Et cela passe par la recherche d’une étoile Michelin, ou d’une troisième Toque Gault&Millau.
Terminons avec un mot, celui qui qualifie le mieux votre cuisine ?
Un seul ? C’est difficile (rire). Je dirais une cuisine qui donne le sourire. Une cuisine du cœur. C’est peut-être un peu cliché, mais quand je crée un plat, j’ai envie que les gens sourient et retrouvent quelque chose de leur enfance, qu’ils se disent : « wow, qu’est-ce que c’est bon ».
Le chiffre
14 : Sur 20, c’est la note de La Cheneaudière dans le guide culinaire Gault&Millau.