Vous avez un parcours atypique. Qui êtes-vous ?
Alors ça, c’est compliqué (rires). Pour commencer, j’ai fait l’école hôtelière à Strasbourg. C’est une étape importante de ma vie, car j’y ai rencontré mes deux associés actuels, Elisabeth et Vincent, ainsi que mon ex-femme. Il y a une dizaine d’années, j’ai eu différents restaurants, en Afrique du Sud, mais je suis revenu. Je m’étais occupé de l’Écomusée à Ungersheim. J’avais déjà été chef d’entreprise, et je voulais recréer un concept. Un jour, mes anciens beaux-parents, qui avaient une ferme dans la vallée de Munster, ont voulu partir à la retraite, mais ils ne savaient pas quoi en faire. Alors on s’est demandé ce que nous, on pouvait en faire.
Ce qu’on a décidé, c’est de créer et de vendre. Du pré, au consommateur final. De tout contrôler. On a racheté la boutique familiale, anciennement une boucherie, qu’on a transformée en boutique de produits locaux, avec uniquement des articles de la vallée, de fermiers. Tout ça, c’était à Munster. Ça a tout de suite bien fonctionné. Ensuite, avec Vincent, on avait l’idée de s’associer. Donc en 2017, on a créé la marque Malker à Strasbourg avec une boutique, où on ne trouve que des produits de fermiers et d’artisans alsaciens, principalement de la vallée.
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Et ce concept, vous l’avez étendu à d’autres villes ?
Oui, à Colmar, et à Munster avec le restaurant La Table des Malker. On a aussi créé un site internet. Sans oublier des distributeurs automatiques dans les gares de Strasbourg et de Colmar. On y vend du munster, de la choucroute, des choses comme ça. Celui de Strasbourg marche très bien, parce que les Parisiens peuvent acheter une choucroute qu’ils ramènent chez eux. Ça a fait le buzz il y a 5 – 6 ans, c’est même passé à la télévision. Ça a complètement explosé, et notre notoriété et notre chiffre d’affaires ont suivi. Il y a aussi certains influenceurs qui ont tourné des vidéos dans lesquelles ils achètent notre choucroute et la ramènent à Paris pour la manger. C’est sympa, ça fait plaisir d’être reconnu, et de voir que des produits authentiques sont appréciés par des jeunes qui n’en ont pas l’air, authentiques (rires). Sinon, récemment, on a ouvert un nouveau concept à Strasbourg, Schmoutzi, qui est la version sucrée des boutiques Malker. Et en plus de tout ça, je fais du trail. Pendant le covid, comme j’ai tendance à être hyperactif, mon fils m’a dit : « Viens, on va courir ! ». J’y ai pris goût. Et puis, on est dans un cadre extraordinaire dans la vallée, en pleine nature. Ça donne envie de rester, et de faire aimer cet endroit aux autres. Maintenant, je suis drogué au sport. Pourtant avant, je trouvais que les sportifs, c’étaient des rabat-joie (rires). Je ne comprenais pas pourquoi ils faisaient ça.
« Et puis, on est dans un cadre extraordinaire dans la vallée, en pleine nature. Ça donne envie de rester, et de faire aimer cet endroit aux autres. »
Il y a un élément qui revient dans toutes vos activités, c’est le local, le circuit court.
Exactement. C’est le projet de départ. On habite dans un milieu rural. L’idée, c’était de garder les emplois dans la vallée. Donc on produit nos plats ici et on achète ici. On veut vraiment que les jeunes restent habiter à la campagne. À Munster, on a un gros souci. Les jeunes talentueux partent tous en ville, et il ne reste plus que des vieux ou des gens sans formations. Si on arrive à créer de l’emploi en campagne, les jeunes talentueux, ils vont rester, ils auront envie de rester. C’est aussi une mission sociale.
Vous êtes un amoureux de la vallée ?
Oui, parce qu’on a tout. J’ai grandi en Afrique. Mon père était dans l’armée, on a vécu au Gabon, en Mauritanie, et après, avec l’école hôtelière, je suis allé au Bénin. Ensuite, j’ai fait une faculté de sociologie, sur l’étude des comportements alimentaires. Puis j’ai eu des restaurants en Afrique du Sud. Mais finalement, on s’aperçoit qu’ici, on a tout ce qu’il faut. En plus maintenant, avec le TGV, on est à Paris en quelques heures. Que demander de plus ? S’il y avait la mer à Munster, ce serait encore mieux.
Votre autre amour, c’est la restauration ?
J’aime ça parce que c’est un métier complet. On n’est pas tout le temps derrière un bureau, on est actif. Il y a du lien avec les clients, avec qui on peut construire une relation. On rencontre du monde, on discute. C’est vraiment enrichissant. Depuis petit, je veux être restaurateur. Ma tante avait des restaurants à Paris, j’allais l’aider de temps en temps l’été. J’étais un intello, timide, introverti. La restauration m’a permis de m’ouvrir. J’aime aussi l’entrepreneuriat, parce qu’on peut agir sur le monde autour de soi. D’un point de vue écologique et au niveau social en créant de l’emploi. On prouve aussi, en faisant du circuit-court, qu’on peut faire des choses grand public, pas forcément beaucoup plus chères qu’un supermarché.
« Depuis petit, je veux être restaurateur. Ma tante avait des restaurants à Paris, j’allais l’aider de temps en temps l’été. »
En parlant de restauration, vous avez également repris le restaurant de la Maison du fromage ?
Oui, et l’objectif est double : avoir un lieu de production pour nos différentes boutiques, et faire vivre ce lieu. C’est une belle infrastructure, un outil intéressant pour la vallée, notamment du point de vue touristique. C’était un peu en sommeil ces derniers temps, donc l’objectif, c’est de le faire revivre, renaître.
Toujours cette optique de faire vivre le territoire. Vous ne trouvez pas ça étonnant pour quelqu’un qui a vécu une partie de sa vie à l’étranger ?
Si, en plus, je ne suis pas du tout alsacien. Ma famille est originaire de Bourgogne. Munster, c’est le hasard de la vie. Mon père était en Allemagne, donc j’ai fait l’école hôtelière de Strasbourg. Je suis tombé amoureux de l’Alsace à ce moment-là. Et mes enfants sont nés ici. Ma vie est ici maintenant.
L’info en plus
Pierre Deloge est également président de l’association des commerçants de la vallée de Munster.