lundi 12 mai 2025
AccueilCHRONIQUESSylvie m'était contéeToute une vie, Grand-rue à Saverne

Toute une vie, Grand-rue à Saverne

Cela faisait trop longtemps que je n’avais pas fait un saut dans la ville d’Adrien Zeller et de Louise Weiss.

Afin de se rappeler à moi, cette jolie ville m’a l’autre jour envoyé un clin d’œil sous la forme d’une licorne – son emblème depuis le XIVe siècle – aperçue dans un nuage un jour que je rêvassais sous le ciel bleu. D’accord : ce serait le lieu de ma prochaine balade au petit bonheur la chance !

Quelques jours plus tard, la Départementale 1004 m’y mène, à travers champs, via une ou deux déviations pour cause de travaux. À peine arrivée, le port de plaisance m’en met plein la vue. Je me gare facilement – quelle joie ! – et pars à pied, le nez au vent. Tiens, suivons donc le canal de la Marne-au-Rhin. Tiens, qu’est-ce que c’est que cette bâtisse-là ? Écurie, gendarmerie, prison, halle aux blés, dépôt de pompes à incendie, salle de spectacle puis gymnase… L’endroit abrite aujourd’hui une école de Musique. J’aimerais bien rencontrer, par une nuit de pleine lune, l’un ou l’autre des fantômes qui doivent hanter ces lieux, certains depuis 1760 ! Hélas, il est 10 heures du matin, aucun espoir d’en croiser. Poursuivant mon chemin, je m’engage bientôt à gauche.

L’enseigne de la pharmacie du Poisson. / ©dr
Mes pas me guident tout naturellement, on dirait qu’ils savent où aller

Je me retrouve dans une voie bordée de maisons plus intéressantes les unes que les autres. Saisie d’une espèce d’emballement, je décide de la parcourir d’une traite : mon œil est attiré, toujours plus loin, par une façade hors du commun, un oriel, le détail d’une fenêtre ou d’une porte. Arrivée au bout, je reprends mon souffle et je fais demi-tour.
Le temps de la dégustation est venu. C’est maintenant à une allure de touriste cacochyme que je redescends la Grand-rue. Vitrines, plaques et enseignes défilent harmonieusement.
Au numéro 96, je souris : sur le cadran des grosses horloges, on annonce : « Grand-mère est malade ». Un dérèglement d’aiguilles, manifestement. Au 80, j’apprends que la très belle maison Katz – monument historique – comporte des éléments datant du XIIe siècle : c’est une véritable machine à voyager dans le temps ! Au 49, l’enseigne de la pharmacie du poisson me semble étonnamment sino-japonaise. Au même numéro, la plaque de la maison médicale du poisson évoque dans mon esprit une file d’aquariophiles inquiets… Mauvaise pioche : la vraie clinique vétérinaire est au 127 !

Restez assis, ma nouvelle devise. / ©dr
Les professionnels se succèdent toujours sous mes yeux

Vérification faite, ils sont plus de 250. Et si variés que j’entrevois soudain la possibilité de passer une existence entière sans jamais quitter cette rue enchanteresse.

Il y a de quoi loger, manger local ou exotique, bien installé ou sur le pouce. Facile aussi de s’y faire beau : un rendez-vous chez le coiffeur, quelques nouveaux habits, on peut même de se faire tatouer. Un petit ou un gros bobo ? Le secteur médical et paramédical y figure, au grand complet : médecins généralistes ou spécialistes, dentistes, infirmiers, lunetiers… en cas de besoin d’un coup de main, avocats, comptables, dépanneurs informatiques sont là, eux aussi. On trouve de tout, vous dis-je, jusqu’au magasin de robes de mariée, à la mairie pour la rentabiliser… et à la crèche pour l’éventuel heureux événement qui s’ensuivra.

Arrivée à hauteur de la place du Général de Gaulle, je soupire d’aise en m’approchant de la statue en grès rose de Louise Weiss. Des citations inspirantes de cette grande dame ornent les bancs alentour. « La soumission aux idées, oui. La soumission aux êtres, non. », me ravit…

Louise Weiss. / ©dr

Mais le pompon, celui qui me fait chavirer, un peu plus loin, est un joli panneau rouge au message, totalement, absolument, définitivement surréaliste : « Restez assis dans les sujets, merci. ». Je décide d’en faire désormais ma devise, moi qui ai parfois tendance à m’éparpiller. Comment ? Le contexte de cet avertissement est celui du grand carrousel qui orne la place ? Oui, j’ai vu. Cela ne change rien.

Je reprends la départementale 1004, sourire aux lèvres

ARTICLES SIMILAIRES
- Publicité -

LES PLUS POPULAIRES