vendredi 22 novembre 2024
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Paul Adam – Une enfance et un livre au bord de la Fecht

Il est né et a grandi dans les années 60 à Ingersheim, dans la petite épicerie de son père et au bord de la rivière à jouer avec ses copains et à pêcher pour sa famille. C’est une histoire que l’homme d’affaires raconte dans son roman autobiographique Et au milieu coule la Fecht, une ode à cette nature tumultueuse qui l’a accompagné tout au long de sa vie.

Le personnage de votre livre, Polala, c’est bien vous ?

Oui, c’est autobiographique, mais ça parle surtout d’un petit garçon de 11 ans. Alors la question est de savoir si je suis un petit garçon de onze ans. Non, mais je l’ai été, il a existé. C’est très rafraîchissant de se remettre dans la peau d’un enfant.

C’est un petit garçon déjà très mature pour son âge.

À 11 ans il a déjà bien baroudé dans la vie. Il est le cadet de trois garçons, une famille et une maison où il y a toujours eu de l’animation, ça passait par le commerce. Elle existe toujours cette maison à Ingersheim, celle où j’ai grandi. Elle est vide pour l’instant.

Le commerce n’a pas continué ?

Non. Il était en place depuis 1863 et j’étais à priori destiné à être la cinquième génération à le reprendre, mais je n’ai pas voulu. À ce moment-là, il n’y avait plus d’avenir dans l’épicerie, mais faire un petit supermarché à Ingersheim aurait certainement fonctionné. Je n’avais pas cette ambition.

L’épicerie familiale de la famille Adam en 1906 et les premiers bâtiments de leur coopérative. / ©Dr
Votre père aussi aurait voulu faire autre chose, non ?

Ce qui l’intéressait c’étaient les vignes. Il aurait bien voulu que je m’oriente dans la fonction publique, pour avoir du temps à passer avec lui dans les vignes. On en aurait acheté et on serait réellement devenus viticulteurs. Mon père n’a jamais vraiment su qui il était puisqu’il a appris le métier de mécanicien, il était fou de mécanique, mais malheureusement mon grand-père est mort à l’âge de 48 ans, et il a repris l’épicerie familiale comme soutien de famille. Il n’était plus mécanicien, il ne voulait pas être épicier, il ne pouvait pas être viticulteur. Un jour il m’a dit qu’il ne savait plus qui il était.

Vous avez fini par partir.

Dans les années 70, je me suis expatrié contre mon gré, je suis parti six ans en internat dans le Sundgau. Je revenais tous les week-ends et lors des vacances scolaires. Ingersheim a toujours été le point de chute du bonheur. Je suis fait de mes racines.

La première construction du barrage de la Fecht, route de Turckheim, pour canaliser la rivière tumultueuse, au XIXe siècle. / ©Dr
Après cette expérience vous avez voulu rester au village.

J’étais destiné à partir faire mes études à Strasbourg, à l’IECS. C’était l’été 76, il faisait beau et j’avais vraiment autre chose dans la tête que de potasser mon concours. Je n’y suis pas allé. J’ai fait l’IUT de Colmar à la place, pour rester à Ingersheim. Dans la foulée, j’ai travaillé dans une maison de vin à Riquewihr où j’ai lancé la vente par correspondance.

Vous avez toujours écrit ?

Oui, j’ai plein de choses dans les cartons et j’ai toujours plus ou moins mélangé mon activité professionnelle avec l’écriture.

Vous avez fait carrière dans le marketing, d’abord à Paris puis de nouveau en Alsace.

Je suis parti à Paris dans une multinationale où je faisais de la vente par correspondance, c’est l’une des branches du marketing direct. J’y suis resté trois ans, j’avais le mal du pays, mais j’y ai rencontré ma femme, Françoise. Après ça, je suis revenu en Alsace. J’ai créé ma société en 1987 avec deux associés colmariens. Jusqu’en 2018, ma vie professionnelle a été un grand torrent. Le monde des affaires est un long fleuve avec parfois des torrents, parfois des rapides et c’est la façon dont on gère ces rapides qui fait la suite. C’est un peu comme la Fecht.

La Fecht était tumultueuse ?

Oui ! Pour la petite anecdote, un ami m’a dit un jour qu’il avait une grande tante à Colmar qu’il appelait « La Fecht » parce qu’elle était impétueuse, tumultueuse, qu’elle pouvait tout dégommer sur son passage comme la rivière avant qu’elle ne soit canalisée. C’est une rivière qui a une histoire passionnante, que j’ai découverte en écrivant le livre. À une époque les gens allaient à Colmar en bateau parce que la Fecht sortait de son lit et inondait tout.

C’est aussi elle qui a rythmé votre enfance et celles de vos camarades d’Ingersheim.

Oui, on était copains, on allait au bord de la rivière ensemble. D’ailleurs, je me suis impliqué dans les retrouvailles de la classe 58 d’Ingersheim. Comme disait Tomi Ungerer : « Lorsqu’on s’éloigne de ses racines, on les sent pousser dans ses chaussures. Quand elles font trop mal, il faut qu’on aille les replanter ».

Vous étiez constamment au bord de la rivière, encore plus que les autres. Vous pêchiez tout le temps ?

Je pêchais pour mon plaisir, pour le plaisir de ma famille aussi quand je ramenais les fritures à la maison pour les manger. C’était un sentiment de fierté de ramener quelque chose qu’on n’avait pas besoin d’acheter ailleurs, comme on ramène les fruits et les légumes du jardin. Mon père vendait aussi du poisson, mais moi j’étais fier de ramener le fruit de mon travail et d’être félicité. C’était mon enfance, c’était la Fecht.

Dans votre roman, vous faites allusion au Dormeur du val de Rimbaud, c’est peut-être l’une des clés de lecture ?

Oui. On découvre petit à petit que ce dormeur ne dort pas, mais qu’il est mort. Beaucoup de gens m’ont dit avoir été traumatisés par cette poésie quand ils l’ont apprise à l’école. C’est une façon d’apprendre ce qu’est la guerre, mais aussi le rapport de l’homme avec la nature. Les hommes meurent, mais la rivière n’arrête pas de couler.

 

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