vendredi 17 mai 2024
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Michel Spitz – Pointe Colmarienne

C’est le genre de reportage compliqué à réaliser pour un journaliste tant le parcours de notre invité, l’architecte-urbaniste et enseignant devenu adjoint au Maire de Colmar en charge de la culture Michel Spitz est riche. Une vie en mouvement, bâtie sur un modèle exigeant, qu’il est frustrant d’en raconter seulement une petite partie. Il y a eu « quelques coupes au montage » de cette rencontre inévitable avec un homme de culture qui n’oubliera jamais son crayon d’architecte.

En 2020, au moment de vous installer dans le fauteuil d’adjoint à la culture, vous déclarez que vous souhaitez réinventer le modèle colmarien. C’est réussi ?

Réinventer le modèle, c’est d’abord agir sur les structures, mais c’est aussi le démocratiser. Faire un travail de répartition dans le territoire, dans les différents quartiers, la montée en compétence des personnels, de la culture, le développement de la médiation.

Pour avoir un public, il faut l’accompagner, il ne faut pas simplement mettre un panneau « ici il y a un musée », ça ne marche pas. Il y a toute une série d’action culturelle à développer. Il y a aussi un élément très important, vous pouvez l’imaginer, c’est l’apprentissage des arts, aussi bien au niveau des arts plastiques qu’au niveau de la musique au conservatoire ; nous avons par exemple décentralisé des cours d’instruments dans le quartier prioritaire.

C’est un travail de l’ombre ?

Les choses les plus importantes que l’on fait sont celles qui ne se voient pas. Le plus important est de travailler le fond. Il y a un lien très important avec l’urbanisme, c’est-à-dire la connaissance de la ville, de son histoire, de sa composition sociale, etc. La culture c’est aussi le tissu des associations, un tissu extrêmement important, et là, il y a un gisement d’énergie absolument incroyable.

Quels sont vos premiers souvenirs d’enfants concernant la culture ? Venez-vous d’une famille où c’était une priorité ?

J’ai grandi à Urschenheim, un petit village à l’ouest de Colmar, dans une famille assez modeste, mon père avait une petite entreprise de chauffage sanitaire plomberie, on était plutôt sportif.

En revanche, très très vite au collège, je me suis intéressé à la culture. C’est drôle parce que là on fait un pas en arrière complètement fou : adolescent, j’ai créé une association, j’organisais déjà des concerts de folk. J’étais allé en stop au Festival d’Avignon. J’avais rencontré un guitariste virtuose à qui j’avais proposé de venir jouer dans mon village.
Votre sensibilité artistique, où commence-t-elle ?

Elle vient de la lecture. Après la troisième, je m’étais inscrit en section littéraire, mais quand mon père a vu ça, il m’a dit qu’il n’était pas d’accord, il m’a fait admettre au lycée technique, mais parallèlement à mes études techniques, j’ai beaucoup fréquenté la bibliothèque, je lisais le théâtre, l’histoire, etc. Je me souviens d’avoir rencontré un professeur absolument extraordinaire, mais je crois que mon parcours est la conséquence d’un certain nombre de rencontres. Je me suis rendu compte que l’on m’a assez rapidement fait confiance, au-delà de la confiance que je me faisais à moi-même, et cela m’a donné des ailes.

Spitz Sienne. / ©Documents remis
Et vous vous retrouvez en architecture… avec une réussite très rapide ?

J’ai vu, en allant sur les chantiers de mon père, que finalement on construisait, mais on ne réfléchissait pas beaucoup à la manière dont on utilisait les espaces. Après le bac, je me suis inscrit en archi et très vite je me suis complètement émancipé. J’ai eu beaucoup de chance, étudiant j’étais invité à faire des concours avec des copains qui étaient déjà architectes, et j’ai eu des commandes avant d’être diplômé. Par exemple, j’ai construit la mairie de Riquewihr, ou une salle de sport. Lorsque j’ai été diplômé, je me suis associé, et on est arrivé à un moment où la commande publique n’était plus renvoyée comme un ascenseur à l’architecte communale, il y avait des concours, en fait je suis le produit de l’ouverture de la commande au concours d’architecture. Rapidement, on a gagné des concours, par exemple l’université de lettres à Mulhouse et le lycée Camille-Sée à Colmar.

Vous êtes un passionné de l’histoire ?

Oui, l’histoire du XXe siècle, c’est-à-dire l’histoire sociale, l’histoire de la ville, comment la ville se construit, quels sont les déterminants de la forme, de l’idée de la ville ? C’est un livre ouvert.

Vous êtes aussi président du SCot, un mot là-dessus ?

Éric Straumann m’a confié une responsabilité assez dingue. Le SCoT, c’est le schéma de cohérence territoriale…

… Et ce sont aussi des questions très compliquées ?

Oui, c’est hyper compliqué, mais c’est intéressant, car c’est porteur d’une révolution…

C’est une vision sur la ville de demain ?

Ça passe par là effectivement, avec ce qu’on appelle le zéro artificialisation nette, une question qui recouvre les aspects énergétiques, environnementaux, écologiques, de reconcentration de la ville, de sa densité, etc., et de l’abandon du gaspillage des terrains agricoles et forestiers. En 2050, on ne devra plus consommer 1 m² de surface agricole et forestière. On doit construire la ville sur la ville. Nous avons un plan de consommation foncière, qui est en réduction, et ça, c’est une véritable révolution. Le SCoT, que j’ai l’honneur de présider, c’est 65 communes avec lesquels nous travaillons.

Tout cela est formidable, mais c’est un peu trop lent, non ?

Alors, c’est l’une des leçons du jeune politique que je suis, j’ai appris la patience (rires). Parce que tout est complexe, voter un budget, convaincre tout le monde c’est complexe, mais c’est le fondement même de notre vivre ensemble. Il ne faut pas oublier que le partage de l’espace donne des devoirs, et pas seulement des droits.

 

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