jeudi 14 novembre 2024
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Olivier Scherberich – Le chasseur de trésors

Le président de la société des amis du Musée Bartholdi et consultant de Sotheby’s en France jusqu’à la fin de l’année, nous accueille chez lui, dans un salon tapissé des tableaux de Suvée, son artiste favori. Tous avaient évidemment été prêtés au musée de Tours pour l’exposition Joseph-Benoît Suvée : de Bruges à Rome, un peintre face à David. Car en plus d’être un fin connaisseur du dessin ancien et un collectionneur invétéré, Olivier Scherberich est un donateur apprécié d’une dizaine de musées. Des Beaux-Arts de Lyon, Rennes et Strasbourg au Musée Delacroix à Paris en passant évidemment par le Musée Unterlinden de Colmar, il aime partager ses découvertes et les rendre accessibles aux yeux de tous. Son plus beau cadeau restera la tribune que lui ont accordée Anne Leclair et Sophie Join-Lambert dans l’ouvrage de Suvée : « une figure très attachante » citée après de grands collectionneurs comme Mathias Polakovitz. On pourrait ajouter « vrai généreux » et « grand passionné ». Mais la médaille de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, qu’il vient fraîchement de revêtir, vaut plus que n’importe quel qualificatif. Chapeau l’artiste !

Enfant, vous collectionniez déjà les petites voitures…

Oui, c’était des Ferrari ! J’ai d’ailleurs hérité du prénom d’Olivier Gendebien, le pilote qui avait gagné les 24 heures du Mans l’année de ma naissance. Mon papa était un passionné de sport automobile et m’emmenait aux courses. En 1984, j’ai acheté une 205 GTI et fait des rallyes avec. Le virus part de là.

Comment l’art vous a-t-il rattrapé ?

J’ai longtemps suivi ma maman chez les brocanteurs et les antiquaires. Je me souviens qu’elle m’envoyait aussi chez son cousin à Metz. Un passionné de musées ! À l’époque, je traînais des pieds pour l’accompagner, mais force est de constater qu’il en reste quelque chose…

À quel âge avez-vous acquis votre première œuvre ?

27 ans. Je suis devenu passionné en feuilletant la Gazette de Drouot et le catalogue sur l’exposition du peintre François Boucher. Ma première œuvre, c’était une estampe ancienne. Et ensuite, je ne me suis plus jamais arrêté…

En 2003, vous devenez Président de la SAMBA.

Oui. J’ai été réélu l’année dernière. Les prochaines élections auront lieu en 2026… Comme les municipales (rires en clin d’œil à ses années politiques). Cette société des amis du Musée Bartholdi a été créée sous l’impulsion de Jean-Marie Schmitt, directeur du développement culturel de la ville de Colmar, et Régis Hueber, responsable du musée. Aujourd’hui, nous sommes 70 membres et œuvrons pour enrichir les collections du musée. On participe par exemple à des achats avec la ville, mais on ne fait pas de restauration d’œuvres.

Le 25 juin, lors de la conférence de Pierre Rosenberg (Président-directeur honoraire du musée du Louvre) sur les tableaux de Nicolas Poussin du Musée des Beaux-Arts de Lyon. / ©Documents remis
Quelles ont été ses dernières acquisitions ?

La coupe en bronze sur socle en marbre vert Les Maraudeurs, avec une participation de 3000 euros à la ville de Colmar, et Le Christ Consolateur d’Ary Scheffer.

En 2019, vous rencontrez Alexandre Millon…

Oui, grâce à mon ami Patrick de Bayser, galeriste parisien, expert en dessins anciens. C’était juste après avoir quitté l’entreprise familiale de promotion immobilière. Ça a été un vrai tournant pour moi. Je compare toujours ça à un apprenti qui entre dans la grande distribution. C’est très formateur ! J’ai représenté la maison parisienne en Alsace pendant trois ans, jusqu’au jour où Sotheby’s m’a contacté…

Sotheby’s, c’est une Ferrari ?

Absolument ! Certains amis marchands disent même que je joue désormais en Coupe d’Europe et plus en première division (rires). Je suis l’un des dix consultants régionaux de Sotheby’s en France. Mon rôle, c’est d’être l’interlocuteur principal entre la maison de ventes aux enchères et le client. Je réalise les expertises et, selon la réponse des départements Sotheby’s, je retourne chez le client pour donner des premières estimations. Et ensuite, signer le contrat. L’avantage avec Sotheby’s, c’est que l’objet est assuré à partir du moment où je le récupère. C’est une vraie garantie et un gage de confiance pour le client.

À quel genre d’objets s’intéresse cette maison de ventes aux enchères ?

Actuellement, l’art contemporain et le luxe (bijoux, montres, sacs à main). Il y a quelques semaines, on a vendu un diamant que j’avais trouvé en Alsace. 57 600 euros, frais inclus. Cette maison connaît d’excellents résultats avec la joaillerie, c’est vraiment un plaisir de travailler dans ce domaine, bien que mes spécialités restent la peinture, le dessin et les tableaux anciens. L’objet le plus élevé qu’on ait vendu, c’est un tableau de Pierre Soulages. Une vente privée, donc le résultat demeure confidentiel. Mais c’était un prix à six chiffres…

Fonceur, il se lance dans l’expertise en objets d’art comme sur une piste de ski : en tout schuss ! / ©Documents remis
Quels sont les joyaux que vous lui avez apportés ?

En novembre, je vais avoir un très beau dessin de Chagall qui va passer en vente. Pour des œuvres pareilles, il faut un certificat délivré par un comité. Ici le comité de Chagall. En cas de faux, il détruit l’œuvre. Un tel certificat coûte 1700 euros hors taxe, même si l’œuvre est détruite ! Fort heureusement, on l’a obtenu pour mon client alsacien. J’ai aussi une sculpture russe qui va passer en vente à Londres. Je l’ai trouvée dans la région.
Elle est estimée entre 60 000 et 80 000 GBP (soit 72 000 – 96 000 euros).

Comment êtes-vous rémunéré ?

Je suis commissionné sur une partie des frais vendeur, qui sont actuellement de 10% HT jusqu’à 500 000 euros.

Vous êtes en quête de quels trésors pour 2025 ?

Vous voulez un scoop ? Je quitte Sotheby’s à la fin de l’année ! Mon contrat s’arrête le 31 décembre et j’ai prévu autre chose pour la nouvelle année… Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant, mais je vous tiendrai au courant !

Que faut-il pour être un bon collectionneur ?

Pierre Rosenberg dit toujours qu’il faut trois choses pour collectionner : de l’argent, du temps et un bon œil. Je n’ai pas la première, mais pour les deux autres, je crois que je ne suis pas trop mal (rires).

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